Concours administratifs

Des éditeurs sous pression

Concours de secretaire administratif et de droit administratif à la maison des examens - Concours administratifs - Maison des examens - Photo Olivier Dion

Des éditeurs sous pression

Avec des concours paramédicaux en sursis et une réforme du recrutement des professeurs des écoles repoussée à 2022, le marché des concours administratifs repose surtout sur ceux de la fonction publique. La récurrence de réformes menées tambour battant contraint les éditeurs à une extrême réactivité.

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Par Charles Knappek,
Créé le 10.01.2020 à 10h41

Le marché des concours administratifs a enregistré une nouvelle baisse de 11,7 % au cours des douze derniers mois selon GFK après un recul de 9 % en valeur l'année précédente. Ces mauvais chiffres s'expliquent en grande partie par la disparition, fin 2018, du concours infirmier et par l'effondrement du concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE), à l'arrêt dans l'attente de la réforme de 2022.

Alors même que le nombre de candidats au CRPE s'érode chaque année, les éditeurs ne prennent plus d'initiative sur un marché où, par ailleurs, les ventes d'occasion sont très élevées. « Nous sommes dans un temps d'incertitude, résume Valérie Perthué, directrice éditoriale des départements scolaire et primaire chez le leader du segment Hatier. Aucun élément officiel sur la forme définitive du CRPE n'a encore été communiqué. On s'attend seulement à ce que l'accent soit davantage mis sur le geste professionnel. Les candidats effectueraient un stage pendant leur année de M2. »

Valérie Perthué, Hatier- Photo OLIVIER DION

La crainte partagée par l'ensemble des acteurs est que les nouvelles épreuves soient moins exigeantes et donc moins favorables à l'objet livre - certaines matières à l'oral pourraient ainsi disparaître. Pour l'heure, seul Studyrama annonce une croissance sur quelques uns de ses titres abordant le CRPE avec ses ouvrages de 200 questions préparant certaines épreuves orales. « Notre arrivée sur le marché est encore récente, c'est ce qui explique nos bonnes performances », juge Frédéric Vignaux, directeur de Studyrama. 

Frédéric Vignaux, Studyrama- Photo OLIVIER DION

Parcoursup

S'agissant des concours paramédicaux, outre la catastrophique suppression du concours infirmier, le resserrement général du marché a conduit nombre d'éditeurs à réduire la voilure. La probable disparition à venir du concours d'aide-soignant auxiliaire de puériculture (AS-AP) devrait d'ailleurs constituer un nouveau coup dur. Chez Vuibert, une dizaine de titres sont concernés. « Les textes officiels paraissent très tardivement avec une application immédiate », déplore la responsable du pôle éditorial concours et prépas Elocia Vermeulin. Le marché du paramédical est d'autant plus incertain que les concours encore existants (ambulancier, orthophoniste, psychomotricien et ergothérapeute...) pourraient également disparaître à court ou moyen terme.

Marie-Anne Jost-Kotik, First- Photo OLIVIER DION

Dans ce contexte, la plupart des éditeurs se réorientent vers Parcoursup pour limiter la casse. Foucher a reconfiguré son offre au sein d'une série Parcoursup intégrée dans sa grande collection « Réussite concours ». « Il reste une épreuve orale dans les voies d'accès aux métiers du travail social, explique Nathalie Théret, directrice du département Foucher chez Hatier. Cela nous permet de proposer des tout-en un avec une partie dédiée à Parcoursup et une autre à l'oral. » Trois titres ont paru début janvier dans cette nouvelle configuration : Assistant de service social, Educateur de jeunes enfants, Educateur spécialisé. Chez Studyrama aussi, la redirection vers Parcoursup apparaît naturelle à Frédéric Vignaux. « C'est dans l'ADN de notre ligne de maison d'édition d'orientation », indique-t-il.

Manon Savoye, Ellipses- Photo OLIVIER DION

De la même manière, Dunod a supprimé sa série « Total » consacrée aux concours paramédicaux et sociaux et développe une offre d'accompagnement dans la procédure Parcoursup. Un modèle qui ne convient pas forcément aux éditeurs plus généralistes : après s'être dans un premier temps dirigé vers un mégapoche de tests psychotechniques adapté à la préparation des étudiants infirmiers, First abandonne finalement ce format pour se concentrer sur des titres plus transversaux, toujours dans la collection « Pour les nuls ». « Comme éditeur non spécialiste, nous sommes légitimes sur les ouvrages de culture générale et de facilitation d'accès aux contenus », indique Marie-Anne Jost-Kotik, directrice éditoriale chez First.

Culture administrative

Sans être brillante, la situation est meilleure pour les concours de la fonction publique, portés notamment par les métiers de la sécurité (police, gendarmerie, douane, sapeur-pompier...). Les éditeurs continuent aussi d'y explorer de nouvelles formes de contenus, adaptées à l'évolution de concours qui glissent de plus en plus d'une culture générale classique vers une culture administrative présentée comme moins élitiste. « La culture générale a beaucoup évolué dans les concours. Elle était très transverse, maintenant elle est plus technique », souligne Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses, qui annonce un titre intitulé 100 fiches de culture administrative pour réussir les concours. Chez Studyrama, les titres abordant en 200 questions la culture générale administrative ou des thématiques transverses comme les collectivités territoriales ou l'Union européenne rencontrent un succès croissant, selon Frédéric Vignaux. Ellipses de son côté avec la petite collection « Actu Concours » propose cinq titres abordant les thèmes essentiels d'actualité, les relations internationales ou encore la culture territoriale.

Bien qu'en léger recul dans son ensemble, le segment des concours administratifs reste un vecteur de croissance pour certains éditeurs. C'est ce que signale notamment Nathalie Bourdon, responsable éditoriale concours et prépas chez Dunod : « Notre catalogue sur le marché des concours administratifs est encore à étoffer. Nous gagnons des parts à la publication de chaque nouveauté. » En 2019, l'éditeur a publié une dizaine d'inédits, mettant notamment l'accent sur le concours d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) avec trois titres de fiches, d'annales et de préparation à l'oral. « Jusqu'alors, nous n'avions qu'un tout-en-un, précise Nathalie Bourdon. L'ensemble des titres a été très bien accueilli. »

Dunod profite aussi du début de l'année pour refondre les couvertures de la collection « J'intègre la fonction publique » et publier quelques nouveautés, parmi lesquelles un titre dédié au concours d'agent spécialisé de la police technique et scientifique. Surtout, Dunod annonce pour la fin de l'année une nouvelle collection de titres pensés pour « répondre au mieux aux besoins des candidats et faciliter l'organisation de leurs révisions et de leur entraînement ». Sous forme de petits volumes, ils concerneront un nombre restreint de concours de la fonction publique, « là où se trouvent les plus gros effectifs », selon Nathalie Bourdon. Cette future collection n'a pas encore de nom.

Vidéos d'entretiens

Plus classiquement, l'innovation éditoriale reste le meilleur moyen de trouver de nouveaux lecteurs. Hachette a commencé à déployer ce mois de janvier la collection « Objectif concours » dans une nouvelle charte graphique pour ses couvertures, ce qui lui permettra de repositionner les nouvelles éditions de ses titres couvrant le CRPE, les concours sanitaires et sociaux et les deux concours d'attaché territorial (interne et externe). En « Réussite concours », Foucher déploie ce mois de janvier ses premiers ouvrages enrichis de vidéos d'entretiens avec un jury, accessibles via un QR Code intégré dans les titres. « Les vidéos montrent un candidat face au jury dans cinq situations différentes, détaille Nathalie Théret. Nous allons en proposer dans tous les ouvrages abordant un concours avec une épreuve orale. »

A partir de cette année, Vuibert ajoute pour sa part une quinzaine de schémas dans chaque ouvrage de sa collection « 100 % efficace ». Sept titres sont concernés (six en fonction publique et un en CRPE). « L'apprentissage visuel est dans l'air du temps. Nous l'avons déjà mis en place avec succès dans notre gamme Mon coach par exemple », explique Elocia Vermeulin. L'éditeur profite aussi de la réforme du concours des Instituts régionaux d'administration (IRA) pour revenir sur un marché dont il était absent depuis une quinzaine d'années. « Nous allons publier un titre cette année, confirme Elocia Vermeulin. Nous attendons la première session pour voir à quoi ressembleront les annales. »

De la même manière, et dans la continuité des opérations menées ces dernières années, La Documentation française accentue sa stratégie d'ouverture vers un public élargi. La collection « Formation Administration Concours » (FAC) abandonnera au second semestre ses grands formats au profit de formats semi-poches déjà expérimentés avec succès sur certains titres. « Notre ligne est d'adapter nos contenus à la nouvelle philosophie des concours et aux nouvelles pratiques de travail et de lecture », résume Nadine Marienstras, sous-directrice des publics et des produits à la Direction de l'information légale et administrative (Dila). En FAC, le long-seller Les Politiques publiques sera désormais décliné en plusieurs tomes : L'Etat et les Outils de l'action publique, Les Politiques sociales (titres provisoires) et un troisième ouvrage consacré aux politiques régaliennes.

Sites refondus

L'éditeur, qui s'appuie toujours sur sa collection « Annales corrigées », compte également sur son nouveau site Internet vie-publique.fr inauguré fin octobre et conçu pour cibler un public plus jeune. « Tous les contenus du site, par rapport à l'offre concours, sont pensés comme des compléments de nos ouvrages, décrypte Nadine Marienstras. Il n'est pas question de remplacer l'offre papier classique mais d'accentuer la complémentarité entre le livre et le numérique. »

A peu près au même moment, Ellipses a procédé l'automne dernier à la refonte de son site. La nouvelle page d'accueil met l'accent sur les nouveautés et l'actualité à travers un nombre restreint d'onglets et plusieurs bandeaux déroulants. « Le site a beaucoup gagné en clarté, l'objectif était de donner au lecteur une vision simple et exhaustive de notre catalogue. Nous y sommes parvenus », se félicite Manon Savoye. De même, les ouvrages transversaux, non réservés aux concours, offrent aux éditeurs d'importants relais de croissance. Vuibert enrichit sa petite collection « Mon coach » d'un titre consacré à la préparation orale, couvrant aussi bien les concours que les examens et l'efficacité professionnelles. En mars, La Documentation française publie une nouveauté Relations internationales dans sa collection « Découverte de la vie publique ».

Mais sur ce créneau des épreuves transversales, la palme reste conservée par les ouvrages consacrés aux questions d'actualité. Publiés début janvier, ils assurent des ventes régulières à leurs éditeurs. Chez Vuibert, Actualité est complété d'un fil numérique mis à jour tous les mois et téléchargé à chaque fois par 5 000 personnes en moyenne. Toute l'actu est la meilleure vente de Foucher ; cette année Ellipses s'implique également sur le marché avec Actu 2020, publié en décembre. 

Les 50 meilleures ventes Concours administratifs

Avec 18 titres (contre 21 l'an dernier) parmi dans le palmarès des 50 meilleures ventes GFK/Livres -Hebdo en concours administratifs, le concours de recrutement de professeur des écoles (CRPE) reste de loin le concours le plus prisé même s'il subit une forte érosion dans l'attente de la réforme de 2022. Avec 13 références, Vuibert, -leader sur les concours de la fonction publique, demeure l'éditeur le plus représenté, mais il est désormais -talonné par Dunod qui place 10 titres dans le classement, contre cinq l'an dernier. CRPE excepté, ce sont les ouvrages transversaux (Entretien avec le jury, Vuibert, 5e ; Note et rapport, Vuibert, 6e) qui dominent. Parmi les titres dédiés à un concours en particulier, le concours d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) est le premier du top avec l'ouvrage publié par Vuibert, en 8e position. C'est -aussi le plus représenté avec six références dans le classement.

En mode agile

La récurrence des réformes et la soudaineté de leur mise en œuvre bousculent les éditeurs. Quand une épreuve ne disparaît pas purement et simplement comme ce fut récemment le cas avec le concours d'infirmier, les nouvelles moutures sont souvent connues au dernier moment.

Elocia Vermeulin, Vuibert- Photo OLIVIER DION

Les éditeurs adorent les réformes. Elles éteignent le marché de l'occasion et garantissent une, voire deux années de bonnes ventes auprès d'un public obligé de se tourner vers le neuf. Dans la pratique, ils disposent souvent des nouveaux programmes au dernier moment et doivent courir après le calendrier pour publier leurs ouvrages dans les temps.

La réforme en 2019 du concours de gardien de la paix, annoncée en février pour une ouverture des inscriptions en mai, a par exemple conduit Vuibert à sortir une nouvelle édition à jour, avec moins de culture générale et plus de cas pratiques, en moins de trois mois. « Le marché étant ce qu'il est, nous devons être toujours plus réactifs et agiles. Nous ne devons pas non plus hésiter à innover et faire des pas de côté dans notre offre », estime Elocia Vermeulin, responsable du pôle éditorial concours et prépas chez Vuibert.

Pari

La réactivité porte ses fruits : en 2018, Foucher est resté pendant plusieurs mois le seul éditeur à couvrir le concours de sapeur-professionnel caporal. Publié « en mode commando » dans des délais très courts, le titre s'était même retrouvé en 3e position de notre classement GFK/Livres Hebdo. « Après avoir été pendant longtemps relativement tranquille, le marché des concours est aujourd'hui en pleine mutation, juge Nathalie Théret, directrice du département Foucher chez Hatier. Nous sommes obligés d'être extrêmement agiles et, en tant qu'éditeur, nous avons un rôle plus important que jamais à jouer comme relais d'information auprès des libraires. Le rayon est compliqué à mener, les libraires ont besoin d'être accompagnés et de connaître les saisonnalités. »

Il arrive même que les éditeurs n'attendent pas de connaître les nouveaux programmes officiels pour publier. Vuibert l'a fait pour le cursus d'orthophoniste, désormais accessible par concours et Parcoursup. « Nous avons publié un titre dès octobre dernier qui tenait compte des deux voies d'accès, détaille Elocia Vermeulin L'information n'était pas encore complète, nous avons fait le pari de publier avant que la nouvelle procédure soit validée. »

Feel-good

L'agilité peut aussi emprunter des chemins détournés. Ellipses a publié début janvier Devenir adjoint administratif sans passer le concours en 16 étapes, premier opus à l'intérieur de la collection « Objectif fonction publique » d'une série « Sans concours » qui couvrira les trois fonctions publiques (étatique, territoriale et hospitalière). « De nombreux postes sont pourvus sans concours mais nécessitent tout de même un travail de préparation efficace pour le dossier de candidature et l'entretien de recrutement avec la commission de sélection », explique la directrice éditoriale Manon Savoye.

Enfin, Vuibert s'aventure aussi en hors collection avec un titre qui emprunte aux codes du feel-good book : Zen pour mes exams, annoncé pour le 21 janvier. 

10.01 2020

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