BD/France 21 août Camille Royer

Si l'on en croit le portrait qu'elle fait d'elle, Camille n'était pas, tout au moins à 8 ans, une enfant facile. La voici faisant des acrobaties sur les poutres de la maison pendant le dîner, ou poussant des cris, ou martyrisant l'étudiante qui lui donne des cours particuliers de japonais, ou multipliant les bêtises avec sa copine Emma. A l'école, elle n'est pas plus concentrée, et va jusqu'à corriger d'un coup de poing bien placé un camarade qui s'est moqué d'elle. Mais quatorze ans et plusieurs diplômes des beaux-arts (Paris et Angoulême) et de l'Ecole Estienne plus tard, la jeune femme - elle est née en 1997 - tire de ses expériences enfantines un premier roman graphique subtilement maîtrisé.

Toile de fond des colères et des espiègleries que Camille Royer restitue au crayon ou au pastel dans un style faussement enfantin et parfaitement convaincant, un univers familial aussi protégé qu'oppressant apparaît peu à peu. Milieu aisé, père âgé d'une bienveillance presque excessive, frère aîné occupé à ses propres affaires, et surtout mère japonaise souffrant de son déracinement. Du Japon, elle a rapporté des contes poétiques mais souvent ambivalents, voire inquiétants qu'elle distille à sa fille le soir au coucher. Il est question d'un pêcheur qui se laisse séduire par la princesse des mers, ou d'un pauvre homme qui délivre une grue d'un piège pour le meilleur et pour le pire. Mais, l'introduisant à l'univers des fantômes et des monstres japonais, la mère visiblement dépressive fait aussi apparaître ses propres traumas nés d'une relation complexe avec sa propre mère, d'un sentiment de rejet et de culpabilité mêlés. Au point que Camille finit par craindre confusément que sa mère ne la quitte pour retourner au Japon.

Confusément car, et c'est sa force, rien n'est jamais très clair dansMon premier rêve en japonais. Camille Royer parvient à rester dans son livre au niveau des sensations qu'elle éprouvait petite. Elle conserve ainsi à son récit sa part d'ombre, ses dimensions énigmatiques, son caractère quasi onirique assumé par son titre.

Camille Royer
Mon premier rêve en japonais
Futuropolis
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 21 euros ; 160 p.
ISBN: 978-2-7548-2438-5
27.06 2019

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