24 août > Premier roman France

Elle en fait tout un monde. Un monde ignoré, à nos portes, radicalement étranger et radicalement familier à la fois. La prison, bouche d’ombre de notre société autant que de la littérature. La prison qui n’est jamais dans nos bibliothèques que pour les livres d’Edward Bunker, le Suerte (Plon, 2002) de Claude Lucas ou La zonzon d’Alain Guyard (Le Dilettante, 2011). Il conviendra désormais de rajouter à cette liste étique l’impressionnant Métamorphose d’un crabe par lequel Sylvie Dazy fait une entrée en force dans notre paysage littéraire.

Cette fois-ci, la prison est vue non plus du côté des détenus, mais de celui des matons, même si - et c’est tout l’objet esthétique autant que moral du roman - il apparaît bien vite que les uns et les autres purgent finalement la même peine : l’oubli. En l’occurrence, par le regard de Christo, un type comme il y en a d’autres, plein de bonne volonté et pour qui le réel sera l’épreuve du feu. Fils de cafetier, il a grandi dans le Nord, à l’ombre de la prison de Bapaume, mais c’est à Paris, à la Santé, qu’il exerce ses "talents" de surveillant. Ses nuits sont de solitude, ses jours pleins du fracas et de la fureur des hommes qu’on enferme. Il rêve d’écriture et de son corollaire, le silence. Son quotidien n’est fait que des ombres du suicide, du feu, de la violence et de la folie.

Sans complaisance, mais avec un vrai souffle romanesque, Sylvie Dazy accompagne son héros sur ses chemins de perdition. Ce faisant, elle lui rend la dignité que confère la littérature à ses enfants méritants. Olivier Mony

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