Quelques dames indignes. D'Agatha Christie, à laquelle il a consacré de nombreux ouvrages, à Patricia Highsmith, dont il fut le premier biographe français, rien de ce qui fait la noblesse du roman policier au féminin n'a échappé à François Rivière. De l'enfant qui découvrit dans sa Saintonge natale, avec un trouble qui ne le quitta plus, l'œuvre d'Agatha et bientôt de ses commensales, jusqu'au chroniqueur littéraire (essentiellement alors pour Libération), il n'eut de cesse de découvrir l'autrice derrière ses livres.

C'est de ces éblouissements, de cette stupeur initiale et de ces tremblements que procède ce très intrigant De l'assassinat considéré comme une affaire de femmes. L'auteur y suit à la trace celles qui tout au long du siècle passé furent qualifiées de « reines du crime » sans jamais pour autant chercher à répondre à la mauvaise question de savoir s'il y aurait une spécificité de genre (sexuel) dans ce genre (littéraire). Tout juste consent-il à considérer que le patriarcat, y compris dans le monde des lettres, a pu ne laisser de place aux femmes que dans ses marges. Rivière, convoquant par ailleurs autant Borges que Joyce Carol Oates, fort d'une érudition jamais cuistre et d'une anglophilie sans égale, s'adosse d'abord aux figures de celles qu'il a pu effectivement rencontrer : Highsmith donc, mais aussi P.D. James et surtout l'immense Ruth Rendell (qu'il faudra bien redécouvrir un jour dans toute son éblouissante complexité), avec qui il nouera des liens qui pour être délicats n'en seront pas moins ceux de l'amitié. Ce ne sont pas des meurtres qui surgissent de ces pages, mais des fantômes.