Avant-Critique Récit

Françoise Theillou, "Je pense à votre destin. André Malraux et Josette Clotis. 1933-1944" (Grasset)

Françoise Theillou. - Photo DR/Grasset

Françoise Theillou, "Je pense à votre destin. André Malraux et Josette Clotis. 1933-1944" (Grasset)

Françoise Theillou revient sur la relation entre André Malraux et Josette Clotis, avec des documents inédits.

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Par Jean-Claude Perrier,
Créé le 20.03.2023 à 09h00

Un amour maudit. Voici un livre hybride, qui aurait souverainement et doublement déplu à André Malraux, et ne se serait sans doute pas fait de son vivant. L'autrice, Françoise Theillou, avait déjà publié un Malraux à Boulogne (Bartillat, 2009), ville où l'écrivain vécut à partir de 1945 avec sa seconde épouse Madeleine et leurs trois enfants « recomposés » - ses fils Gauthier et Vincent (décédés en 1961), et Alain, celui de son demi-frère Roland résistant tué pendant la guerre - avant d'en être chassé en 1962 par un attentat de l'OAS alors qu'il était ministre du Général de Gaulle. Françoise Theillou revient aujourd'hui sur la liaison compliquée, douloureuse, qui unit Malraux (1901-1976) à Josette Clotis (1910-1944), depuis la fin de 1933 - lorsqu'ils sont devenus amants alors que l'écrivain, illustre prix Goncourt, était encore marié à Clara, la mère de sa fille Florence -, jusqu'au 12 novembre 1944, lorsque Josette mourut à la suite d'un tragique accident en gare de Saint-Chamant, Corrèze. Une histoire privée, tirée de ce « misérable petit tas de secrets » qu'est toute vie humaine, la sienne en particulier, qu'il passa son temps et ses livres à réinventer, face à tous ses biographes. Malraux n'a jamais renié Josette, faisant inscrire sur sa tombe au cimetière de Charonne « Josette Malraux-Clotis », alors qu'ils n'étaient pas mariés. Et donnant, tout à la fin de sa vie, une lettre-préface émouvante au Cœur battant (Grasset, 1976), l'ouvrage de Suzanne Chantal, amie intime et exécutrice testamentaire de Josette.

C'est justement grâce à cette amie, décédée en 1994 au Portugal, et à sa fille Marie, que Françoise Theillou a pu enrichir son ouvrage d'une matière inédite : des fragments de textes de Josette Clotis, qui fut journaliste à Marianne, romancière à petit succès chez Gallimard (Le temps vert, 1932) où Malraux était éditeur, membre du Comité de lecture, directeur de la galerie de la NRF ; des billets et des lettres que Malraux, toujours en mouvement à cause de la guerre, lui a adressés, de 1939 à 1941. Il y est beaucoup question de leurs problèmes matériels, sécurité, argent, divorce - pas question pour Malraux pendant la guerre, Clara Goldschmidt étant juive -, de leur premier fils, né en 1940, et de leur relation qui se délitait. Figure aussi un cahier de brouillon inédit de l'écrivain, où il jette des bribes de textes réutilisés plus tard dans Les noyers de l'Altenburg (son dernier roman, que Malraux considérait comme « un navet », 1943, paru chez Gallimard en 1948), ou même les Antimémoires (Gallimard, 1967). Là, on est dans l'intime, et Malraux veilla farouchement à ce que le sien le demeure.

Raté ! Bien après la mort de Josette, en 1947, ses papiers, en vrac dans une valise, ont été envoyés à son père Joseph, alors maire d'Hyères. Celui-ci ne les a jamais lus et les a légués, à la fin de sa vie, à Suzanne Chantal, l'amie de toujours, la confidente de sa fille. Les voici aujourd'hui publiés, en attendant d'être étudiés. Françoise Theillou a le mérite d'avoir levé le voile.

Françoise Theillou
Je pense à votre destin. André Malraux et Josette Clotis. 1933-1944
Grasset
Tirage: 4 200 ex.
Prix: 20,90 € ; 256 p.
ISBN: 9782246833598

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