Monsieur Paul. Paul Bocuse est mort le 20 janvier 2018, à presque 92 ans. Fils de restaurateurs, il avait consacré toute sa vie à la cuisine, contribuant à la stariser, la populariser, la mondialiser. Son restaurant L'Auberge du Pont de Collonges, à Collonges-au-Mont-d'Or, non loin de Lyon, était devenue le passage obligatoire non seulement des bons vivants, des gastronomes, mais également de la jet-set internationale - politiques, acteurs... Même Romain Gary, qui n'aimait guère manger, y est venu, pour faire à l'auberge une espèce de retraite peu de temps avant son suicide. Il s'entendait bien avec Monsieur Paul, qui lui ne lisait pas. Bocuse se reconnaît d'ailleurs sous le personnage de Duprat dans Les cerfs- volants, le dernier roman de l'écrivain.
Le modeste Paul, qui avait appris son métier auprès de son père, des « mères » lyonnaises, comme la mère Brazier, ou de Fernand Point, l'un des pionniers de la haute cuisine française contemporaine, était devenu une star, le recordman de tous les records : -cinquante-trois années de trois étoiles au Michelin, Meilleur ouvrier de France, à la tête d'un empire financier international, de Paris à New York, Tokyo etc. Sans parler de sa démesure, de sa vie personnelle tumultueuse, avec ses trois femmes.
Admiré, adulé ou détesté, timide devenu cabotin, Bocuse ne laissait pas indifférent. Avec lui, c'est une certaine conception de la grande cuisine française qui disparaissait (même si son restaurant existe toujours). Authentique, célébrant le bon produit, généreuse, dont la devise aurait pu être « la vie, c'est le gras ». Il avait su récupérer à son profit la nouvelle cuisine, née après Mai 68, idée fourre-tout plus ou moins inventée par les critiques Gault et Millau. Il avait moins bien résisté à la cuisine moléculaire, un concept qui fit un temps florès avant de passer de mode. On dit que Paul Bocuse n'a rien inventé : son truc à lui c'était la perpétuation et la transmission de plats traditionnels, avec des produits nobles. Les jeunes chefs d'aujourd'hui ont tendance à y revenir.
Gautier Battistella, ancien journaliste gastronomique au guide Michelin, expert en cuisine, auteur déjà de quelques livres remarqués, a passé quatre ans à tout lire et à recueillir de nombreux témoignages sur Paul Bocuse, afin de retracer au plus juste, au plus vivant, son parcours d'exception. Il en a tiré un récit épique, empathique sans être hagiographique, qui se lit comme un roman passionnant, un verre de beaujolais à la main (avec modération bien sûr).
Bocuse
Grasset
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782246832966
