DÉCÈS

J.-B. Pontalis.- Photo CATHERINE HÉLIE/GALLIMARD

On disait Pontalis, simplement. Le J.-B. pour Jean-Bertrand, c'est comme le J. M. G ; pour Le Clézio, ou le W. C. pour Fields : une coquetterie. Psychanalyste, il était l'ami des écrivains. Il savait les écouter en tant qu'éditeur chez Gallimard et directeur de la collection "L'un et l'autre". Elle fut son divan à lui. Pour elle, il demandait aux auteurs de se confier et de laisser glisser leurs souvenirs et leurs passions.

Mais ces écrivains, Pontalis, mort mardi 15 janvier à Paris à 89 ans, savait aussi en parler. Magnifiquement. Freud d'abord, son maître. Avec Jean Laplanche, qui fut son camarade à Normale sup, il signa en 1967 un Vocabulaire de la psychanalyse (Puf) qui fait toujours autorité. Et puis tous les autres, ceux qui ont si bien tonné ou murmuré les angoisses de vivre, les Shakespeare, Flaubert, Dostoïevski ou Valéry. Il se reconnaissait dans ces monstres-là !

Enfin, il y avait Pontalis l'auteur, secret, délicat, pudique. Il parlait de lui comme s'il parlait d'un autre. Et cet autre, c'était lui. "L'écrivain, qu'il le veuille ou non, ne peut s'empêcher de dévoiler le vrai par la fiction ou les masques."

Agrégé de philosophie, collaborateur de Sartre aux Temps modernes, proche puis éloigné de Lacan, Pontalis avait convoqué ses souvenirs dans Le dormeur éveillé (Mercure de France, 2004) où il se laissait emporter par une scène de Piero della Francesca représentant l'empereur Constantin. Dans Le songe de Monomotapa (Gallimard, 2009), il rendait hommage à ses amis, et dans Avant (Gallimard, 2012), il envisageait la mémoire comme un sac où l'on plongerait pour y sortir du nécessaire et du superflu.

Voyageur immobile ayant sacrément voyagé, Pontalis cultivait l'art de la lenteur si cher à Kundera avec une activité débordante. Il se pressait de prendre son temps. Comme pour son écriture aussi petite qu'il est possible tout en restant lisible, il était un orfèvre dans la discrétion, faisant profiter chacun de son savoir malicieux et de son érudition limpide. Ses lecteurs, de plus en plus nombreux, l'avaient perçu, et même sous la Coupole on finit par voir en lui un écrivain. En 2011, l'Académie française lui décerna son grand prix de Littérature pour l'ensemble de son oeuvre. Il était temps...

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