« Elle sait que sa chambre n'est pas une cage. Sa chambre est l'enfermement de ceux qui la payent pour la voir nue. Pour qu'elle écarte maximalement tout ce qui peut s'écarter, pour qu'elle dégorge et dégouline. » Meta Carpenter, l'héroïne éponyme du premier roman de John Jefferson Selve est camgirl - elle vend ses charmes en streaming grâce à un drone espion doté d'une caméra qui la filme, œil lubrique d'hommes sous pseudo et cachés derrière des écrans, jouissant des impudicités de la jeune femme. Masturbation, avec godemichés aux tailles et textures variées, contorsions érotiques rappelant aux clients les plus cultivés des tableaux de De Chirico, voire de Bacon. Peu lui chaut ce qu'ils pensent, elle se livre à leur regard, et dans l'histoire, c'est elle qui renverse la vapeur, elle, en vérité, qui les tient sous le joug du désir qu'elle suscite en eux.

Certains jours, elle s'unit devant la caméra à son alter ego exhibitionniste : une belle fille à la peau cuivrée contrastant avec la sienne blanche comme le lait. Meta n'est jamais seule de toute façon, pas tant parce qu'elle est épiée par le drone que du fait que sa mère la hante. Intervient alors un troisième personnage, homme parmi les femmes, Corsaire-Satan, mais il était là dès le début, tel un voyeur subreptice, puisqu'il est le narrateur de ce récit étrange et inquiétant où John Jefferson Selve nous entraîne parmi le flux des images et les arborescences de savoirs sur internet. Et avec style ! Un texte à la fascination scopique, entre Lautréamont et Cronenberg.

John Jefferson Selve
Meta Carpenter
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18,50 € ; 200 p.
ISBN: 9782246828945