7 janvier > Roman France

On aime toujours pour de mauvaises raisons. A savoir des raisons qui n’appartenaient qu’à soi plutôt qu’à l’autre. L’imposture amoureuse est le thème, et le sous-titre, du nouveau roman de Patrice Jean, Revenir à Lisbonne. Comme dans les comédies galantes du théâtre classique, on a affaire à un quiproquo.

Patrice Jean- Photo RUE FROMENTIN/DR

Le protagoniste, Gilles Ménage, prof d’histoire, 46 ans, "avoue fièrement être proche du parti socialiste français - il a failli voter Bayrou." C’est à peine un héros, juste un type raisonnable : "Gilles Ménage dépasse rarement les taux prescrits par la légalité, qu’elle soit routière, politique, polémique, érotique, esthétique." Mais hier, le quadragénaire célibataire est rentré avec un taux d’alcool de 0,6 gramme. Le téléphone le réveille. Il avait oublié qu’il avait promis d’aider son copain Michel pour les travaux de peinture de sa maison qui doit être prête ce soir pour la pendaison de crémaillère. Alors que Michel est allé se changer, Gilles et Mohamed, un autre ami venu donner un coup de main, trop épuisés pour troquer leurs habits de chantier contre une tenue propre, restent dans le jardin à boire des bières. Le premier invité demande s’il est à la bonne adresse et s’ils connaissent Michel Aubry. Gilles répond oui et, "par désœuvrement et par malice invétérée", ajoute qu’ils sont maçons et font des extras le week-end. Arrivent les autres invités parmi lesquels une jolie brune du nom d’Armande. La blague devient la nouvelle identité de Gilles. Travaillant au centre d’art le Nautilus, Armande adore la diversité culturelle et la mixité sociale : elle n’est pas insensible au charme brut du vrai-faux maçon. Cette confusion des rôles sociaux engendre un marivaudage des plus plaisants pour le lecteur et légèrement anxiogène pour le dragueur masqué : Gilles doit-il révéler son vrai moi à celle qu’il veut séduire au risque de perdre son attrait auprès de l’intellectuelle érotiquement aimantée à la figure du manuel ? L’auteur de LaFrance de Bernard (Rue Fromentin, 2013), sur la bien-pensance abonnée à Télérama, signe ici une comédie de mœurs amoureuses doublée d’un petit traité de l’honnête homme du XXIe siècle, avec des petites maximes à la façon d’un moraliste, mais lecteur de Bouvard et Pécuchet. Sean James Rose

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