16 mars > Histoire États-Unis > Philip Nord

Les crises que nous vivons aujourd’hui trouvent en partie leur origine dans la défaite de 1940. C’est la conclusion que l’on tire de la lecture de Philip Nord. Dans cet essai vif, précis, argumenté, l’historien américain (Princeton University) va à l’essentiel. Il connaît son sujet et veut le montrer. C’est donc en trois parties comme dans les tragédies classiques qu’il aborde l’effondrement de la République dans une France minée par l’antisémitisme, l’anticommunisme et le pessimisme.

Mais contrairement à d’autres observateurs qui mettent en cause l’impréparation de l’armée française, Philip Nord déroule une approche plus nuancée. La France était bien plus prête que l’Union soviétique ou les Etats-Unis, qui comptaient d’ailleurs sur sa capacité de défense et au moins autant que l’Allemagne. Le problème est que cette faillite militaire a été suivie d’une faillite morale encore plus désastreuse. Après la débâcle, le choix officiel de la collaboration laissa les Alliés sans voix. Il n’y eut qu’un général pour s’y opposer. Mais de Gaulle lui-même n’était pas audible en 1940 sur le plan international.

Philip Nord explique que le ver était dans le fruit, autrement dit que l’ennemi de la République siégeait dans les états-majors et les ministères. Pétain, des responsables militaires et des hauts fonctionnaires profitèrent du désastre bien plus que les politiques pour en finir avec un régime qu’ils n’aimaient pas et instaurer une dictature. Cette France de 1940 qui renonçait à ce qu’elle avait été et plus encore à ce qu’elle devait être entraîna un écroulement général. Une poignée d’individus refusèrent cette servitude volontaire. Ils rejoignirent Londres, l’Afrique du Nord ou le silence. On leur doit d’avoir conservé cet instant de République dans la brutalité générale.

Pour Philip Nord, la France a fait ce qu’elle a pu, et plutôt mieux qu’on ne le pense. Elle fut victime de ses propres égarements, de n’être plus à la hauteur d’elle-même et des espérances qu’elle incarnait encore en matière de liberté, d’égalité et de fraternité. Avec ce livre, Philip Nord prolonge L’étrange défaite de Marc Bloch en expliquant pourquoi la victoire fut si rude à faire réintégrer dans les esprits. C’est ce qu’on appelle une belle leçon d’histoire. L. L.

Les dernières
actualités