Roman/France 28 mars Jean-Christophe Rufin

Peu coutumier du fait, Jean-Christophe Rufin, romancier dont l'imagination toujours en ébullition a fait le succès, a glissé une postface personnelle à la fin de celui-ci, Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla. Il y confie que ce livre est nourri de « souvenirs intimes », et que « l'histoire de ce couple [est] liée à sa propre histoire ». Forcément transposée, amplifiée, prolongée, ramifiée, sinon, il n'y aurait pas roman, mais autobiographie, et ça n'est pas le genre de Rufin, qui précise encore que « l'aveu, chez lui, prend toujours le masque de la fiction ». Jean-Christophe n'est donc pas Edgar, et son épouse n'est pas Ludmilla, même si le couple, lui aussi, s'est marié, a divorcé et s'est remarié à plusieurs reprises. Trois fois, pas sept.

L'histoire se présente comme racontée par un médecin, qui vit avec une certaine Ingrid (qu'il finira par épouser, une seule fois on l'espère), laquelle n'est autre que la fille unique d'Edgar et Ludmilla. Ils ont deux enfants, Louis et Adèle. Le narrateur a connu ses beaux-parents sur le tard, s'est passionné pour leur histoire, a tenté de la leur faire raconter (Edgar plutôt loquace, Ludmilla plus réservée), et aussi de la compléter en rencontrant les derniers témoins de leur saga, laquelle court sur plus d'un demi-siècle. Depuis ce jour de 1958 où Edgar, né orphelin dans la misère, mais énergique, séducteur et dégourdi, s'est fait envoyer en reportage en URSS par Paris-Match. En compagnie de sa petite amie de l'époque, et d'un couple de copains, Paul et Nicole, dans une superbe Simca Marly, escortés d'un apparatchik post-stalinien (on est sous Khrouchtchev, mais quand même), il arrive dans un village perdu d'Ukraine, pour voir une jeune fille entièrement nue, perchée dans les branches d'un arbre, en proie à la vindicte populaire.

Elle finit par descendre, et il en tombe sur-le-champ éperdument amoureux, au point de revenir l'année d'après, devenu photographe pigiste à Match, pour retrouver sa belle, elle-même sous le charme de cet étranger farfelu. Ils se marient à Kiev, gagnent la France. Ils ne se quitteront plus, jusqu'à la mort d'Edgar, en 2006, en dépit des tribulations rocambolesques de leurs destinées - lui homme d'affaires peu scrupuleux, tantôt milliardaire tantôt en fuite, elle cantatrice à la carrière éphémère -, qui les conduiront à se marier six fois, à divorcer cinq fois. Le septième mariage, lui, n'est pas attesté. On n'en dira pas plus.

Comme toujours chez Rufin, c'est enlevé, ça galope, c'est drôle et mélancolique à la fois, on voyage énormément, les personnages sont passionnants et bien campés. Il en fait des tonnes. Parfois, on se dit, là, il exagère, mais c'est juste sa créativité qui bouillonne.

Jean-Christophe Rufin
Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla
Gallimard
Tirage: 120 000 ex.
Prix: 22 euros ; 384 p.
ISBN: 9782072743139

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