Depuis quelques jours une polémique gronde à Rennes. 4000 livres des réserves de l'ancienne bibliothèque centrale ont été jetés dans une benne et ont pris la direction de la déchetterie où ils sont partis en fumée à l’exception de certains qui ont été « sauvés » par des citoyens étonnés (voir l'actualité sur le site de Ouest-France ) ... Cette opération habituelle dans les bibliothèques a été mise au grand jour par le quotidien régional et suscite un profond trouble dans la ville. Il s'agissait de débarrasser les locaux rapidement et, dans l'urgence, il semble que des livres triés pour des dons ont aussi été jetés...   Ni la mairie ni la direction de la bibliothèque ne s'attendait à un tel bruit... Comment comprendre cette situation ?   Une bibliothèque rassemble des collections vivantes et, tel le jardinier, le bibliothécaire se doit de procéder à du désherbage. Il le fait au nom de la promotion d'une offre de qualité (un beau jardin) et se définit comme l'autorité compétente pour le faire. Les usagers, dans une inconscience relative, lui sont reconnaissants de procéder à ce travail et d'échapper ainsi à des livres obsolètes ou en déliquescence physique. On pourrait donc penser que tout est pour le mieux... et pourtant l'émoi suscité par cette « affaire » est bien réel. Dans cet apparent équilibre entre une représentation professionnelle et une satisfaction discrète des usagers se sont introduits d'autres acteurs non familiers de la bibliothèque. Des contribuables, des journalistes, des non usagers ont jeté sur cette opération un œil ex-centré. Ce qui paraissait légitime devient scandaleux. Là où les professionnels et les usagers voyaient des livres et une collection, les non-usagers ont vu des lectures, des lecteurs potentiels... pour eux, la vie du livre ne s'arrête pas à la décision des bibliothécaires. Alors que la bibliothèque se définit par la promotion du livre, ils s’insurgent au nom de la lecture. Comme le dit « Jo » : « Quel gâchis ! Ces livres auraient fait le bonheur de nombreux lecteurs désargentés. ». Et les intervenants du forum de suggérer des dons aux pays africains, aux maisons de retraite, aux écoles... A l'heure du développement de la sensibilité écologique, la non prise en compte de ses « déchets » par la bibliothèque choque une partie de la population. Elle ne peut pas se débarrasser aveuglément des livres qui furent dans ses collections. D’autres modalités auraient reçu l’assentiment de la population : vente des livres à un prix dérisoire à l’occasion d’une fête, dépôt de   livres dans des lieux publics, don à des associations, etc. Toutes ces opérations participent d’une définition différente du métier de bibliothécaire. On découvre alors un décalage entre la conception professionnelle du métier et une conception indigène ou immanente aux réactions des citoyens…   Nul doute que la bibliothèque a choqué et terni son image auprès des non-usagers voire de certains inscrits (Ecoutons Loïc : «  Retraité avec le minimum vital, je vais à la bibliothèque régulièrement. Je paie un abonnement de 18 €. Si c’est pour voir jeter des livres à la benne… Je suis écœuré, déçu et démoralisé  »). Il lui faudra sans doute montrer qu'elle peut rendre service à la collectivité autrement que malgré elle... Elle sera sans doute amenée à mieux prendre en compte le point de vue des citoyens (et pas seulement des usagers) dans ses décisions à venir. Ces réactions expriment l'intérêt public pour la bibliothèque. Elle n'est pas dans l'indifférence ni l'absence de contrôle... il faudrait trouver les moyens d'intégrer ce point de vue citoyen dans la définition même de la politique de la bibliothèque. Les non-usagers sont en quelques sortes usagers de la politique menée par la bibliothèque même s’ils ne recourent pas à ses services.
15.10 2013

Les dernières
actualités