4 et 11 septembre > Romans Etats-Unis

Robert Charles Wilson- Photo DR/DENOËL?

Les amateurs de SF se souviennent sans doute encore du Spin, cette étrange membrane extraterrestre qui, dans un précédent roman de Wilson, avait entouré notre planète et fait disparaître les étoiles. L’intrigue des Derniers jours du paradis peut se lire comme un clin d’œil à ce succès international : une entité nommée "Hypercolonie" s’est installée quelque part dans la stratosphère et entoure, elle aussi, le monde humain. Sauf qu’elle est invisible, et non malfaisante - du moins pas qu’on sache : seule une poignée de chercheurs et de curieux en ont pris conscience, son action consistant principalement à déformer les informations (elle intercepte toutes les ondes) et ainsi à avoir fait du XXe siècle mondialisé un siècle de paix. Plus aucune guerre depuis 1914 : l’Hypercolonie aime la tranquillité. Et surtout la sienne : les humains qui ont connaissance d’elle sont en danger. Et c’est ainsi que Cassie et son petit frère doivent fuir, poursuivis par un "simulacre", créature mandatée par l’Hypercolonie ayant toute l’apparence de l’homo sapiens - mais une matière verte à l’odeur de feuilles mortes à la place des organes. Ils seront ainsi une poignée d’irréductibles à traverser les deux Amériques jusqu’au désert d’Atacama, pour se poser armes en main la question : veut-on la paix au prix de l’illusion ? Rétablir le libre arbitre humain quelles qu’en soient les conséquences ?

S’ouvrant sur une citation de Pascal, Les derniers jours du paradis joue avec les peurs de l’époque : peut-être que tout n’est que complot et mensonge ; peut-être la conscience humaine est-elle néfaste en soi ; peut-être aussi que la nature organique, dont on fait tant de cas, est capable de muter d’inquiétante façon. Mais comme toujours avec Wilson, le postulat philosophique est avant tout l’occasion de jouer avec toute la panoplie des codes de genre. Empruntant au road-movie ses motels, ses paysages et ses rencontres interlopes, le roman paye aussi son tribut au grand roman d’espionnage et au film de zombies. Car Wilson est avant tout un amoureux de la fiction ; pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir le recueil borgésien que le Bélial publie en même temps sous le titre Les Perséides. Au fil des neuf nouvelles, pour la plupart inédites, se tresse un impressionnant entrelacement de livres aux pouvoirs magiques, qui souvent transitent par les mains du mystérieux libraire Oscar Ziegler. Tour à tour panégyrique de la SF des années 1970 et réflexion sur les pouvoirs de l’imaginaire, le recueil réagence dans un jeu de miroirs infini les grandes thématiques de l’auteur : la conscience angoissante de l’infini, la possibilité de l’inversion du cours du temps, la mince frontière entre l’étrange et la folie… Il y a là un propos fondamental : "L’amour de l’étrange représente, je pense, une impulsion esthétique véritable et tout à fait légitime, bien que sous-estimée. La science-fiction et le fantastique satisfont ce besoin", écrit Wilson dans la postface du recueil. Façon bien humble de souligner à quel point ces textes proposent avant tout un regard sur la condition humaine moderne, avec ses doutes et ses folies. Fanny Taillandier

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