6 avril > Essai France > Marc Augé

Le sentiment d’accélération de l’histoire n’a jamais été aussi fort qu’en cette période d’emballement technologique. La technologie ayant été plus vite que les sociétés, elle ne leur a pas donné le temps de s’adapter. L’ampoule d’Edison fonctionne toujours depuis plus d’un siècle alors que le smartphone d’il y a un an est déjà obsolète. C’est là qu’intervient le facteur économique. Le monde va trop vite pour que nous ayons le temps de projeter nos illusions dans l’avenir. Nous sommes trop collés à ce futur qui se vit comme un présent. "La dimension technologique est aujourd’hui une composante essentielle de la science et du progrès des connaissances, mais elle a des effets pervers lorsqu’elle nous incite à confondre universalité et globalité."

Marc Augé s’est fait connaître du grand public en 1986 avec Un ethnologue dans le métro (Pluriel, 2013). L’anthropologue spécialiste de l’Afrique a depuis élargi son champ d’investigation au monde. Cet essai tiré d’une conférence nous parle de l’avenir des terriens, c’est-à-dire du nôtre. Cet anthropologue, qui fut président pendant dix ans de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, constate que le changement d’échelle produit des changements sociaux chez l’homme qui reste un animal symbolique.

La mobilité présentée comme un idéal technologique et économique s’accompagne le plus souvent de la précarité de l’emploi et s’illustre par les images de migrations et d’exil. Face aux non-lieux de cette mobilité, nous cherchons à créer des lieux pour créer autre chose que du lien virtuel. "L’un des aspects de la crise actuelle est dû à la tension entre ces deux aspects contraires."

Cet essai, bien plus dense que de longs traités, ne manque ni d’espérance ni de pertinence de la part d’un chercheur octogénaire. "Peut-être sommes-nous en train d’apprendre à changer le monde avant de l’imaginer." On pourra trouver Marc Augé bien optimiste sur l’avènement de cette société à construire. Il nous met tout de même en garde contre ce qui est en train de se dessiner. "Nous nous acheminons vers une planète à trois classes sociales : les puissants, les consommateurs et les exclus." En période électorale, voilà un regard critique sur notre histoire en cours qui élargit le débat. L. L.

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