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Le Parlement européen doit se pencher prochainement sur une proposition de directive relative à « certains aspects des contrats de fourniture de contenu numérique ». La Commission européenne a présenté cette réforme pour le moins ambitieuse, le 9 décembre 2015.

Précisons d'emblée que ce texte est accompagné d’une autre proposition de directive qui concerne « certains aspects des contrats de ventes en ligne et de toute autre vente à distance de biens ». 

Le but officiel est de supprimer les principaux obstacles au commerce électronique transfrontière dans l’Union européenne, incarnés notamment par « la fragmentation juridique dans le domaine du droit des contrats à la consommation », « les coûts élevés en résultant pour les entreprises », ainsi que « le manque de confiance des consommateurs lorsqu’ils achètent en ligne dans un autre pays. » 

"Libérer le potentiel du commerce électronique"

Pour justifier tout cela, la Commission européenne a aussi publié une « communication » intitulée « Contrats numériques pour l’Europe - Libérer le potentiel du commerce électronique », ainsi qu’une analyse d’impact (disponible uniquement en anglais…). Ces deux derniers documents sont sans nuance : « Parmi les entreprises qui vendent en ligne mais pas au-delà des frontières, 39 % classent les différences entre droits des contrats nationaux au nombre des principaux freins au développement des ventes transfrontières. (…)

Les différences de règles entre législations nationales en matière contractuelle ont entraîné pour les détaillants vendant à des consommateurs des coûts ponctuels de quelque 4 milliards d'euros, les micro et les petites et moyennes entreprises (PME) étant les premières concernées. Les propositions ont pour objet de créer un environnement propice aux affaires et de faciliter les opérations de vente transfrontière par les entreprises, les PME en particulier ».

En réalité, le domaine d’application de cet ensemble de propositions est si large qu’il englobe inéluctablement le secteur de l’édition numérique, qu’il s’agisse des fichiers reproduisant des livres édités principalement en papier comme des « produits » spécifiquement dédiés aux nouvelles technologiques.

Des principes juridiques malmenés

Selon Valérie-Laure Benabou, Professeure à l’Université d’Aix-Marseille, « la notion de contenu numérique demeure toujours vague mais elle est essentiellement tournée vers des « contenus » à caractère culturel ». Une directive du 25 octobre 2011 cite en effet des exemples de contenus numériques, tels que « les programmes informatiques, les applications, les jeux, la musique, les vidéos ou les textes »… Une énumération du même ordre figure dans la proposition du 9 décembre 2015 ; sans que jamais les mots « œuvre » et « droit d’auteur » ne soient employés, alors même que d’autres directives qui modifient grandement le régime de la propriété littéraire et artistique, en particulier dans l’univers numérique, sont débattues en parallèle.      
  
Sous des abords louables (faciliter la diffusion de contenus numériques), ces réformes viennent malmener bon nombre de principes juridiques protecteurs aussi bien de la création que des consommateurs. Les spécialistes qui ont examiné avec attention la proposition de directive sur les contrats de fourniture de contenus numériques, relèvent essentiellement deux points de friction.

La Commission suggère en premier lieu de remplacer la notion de « propriété » par celle d’« accès ». Ce faisant, elle met en balance les restrictions que peuvent poser les titulaires de droits et la volonté supposée des consommateurs de pouvoir jouir de la plus grande liberté d’usage une fois un exemplaire acquis.

"Quand c'est gratuit, c'est vous le produit" ! 

Par surcroît, la Commission européenne envisage la mise en place de la reconnaissance d’un « échange non monétaire » portant sur l’accès aux contenus numériques, en contrepartie des données, en particulier à caractère personnel des internautes. Ce qui est résumé par la formule désormais très répandue : « quand c’est gratuit, c’est vous le produit » !      

La route est encore longue pour ce que ces textes soient votés par l’Union européenne et entrent en vigueur. Le Sénat français a ainsi émis une résolution pour les contrecarrer, le 8 mars 2016, car leur rédaction s'oppose « au maintien et au développement d'un niveau de protection plus élevé des consommateurs par les Etats membres ».

Des élus de diverses couleurs politiques se sont encore exprimés contre cette réforme au début de l’année 2017, s’alarmant que celle-ci soit à présent programmée pour être étudiée par le Parlement européen sur la base des textes ambigus, voire dangereux, proposés en décembre 2015.

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