13 novembre > Histoire France

L’âge d’or de la carte postale fut aussi celui des grèves. Des premières années du XXe siècle à 1914, on en comptait entre 1 000 et 1 500 par an ! Il était donc normal qu’elles se retrouvent dans ces images de la vie quotidienne. Heureusement d’ailleurs, car ce sont souvent les seuls témoignages de ces turbulences sociales à une époque où la photographie de presse était encore balbutiante.

Anne Steiner (université Paris Ouest Nanterre La Défense) a exhumé avec ferveur ces trésors populaires. Auteure du Goût de l’émeute (L’Echappée, 2012), la sociologue a retenu neuf épisodes des luttes ouvrières qui se sont déroulées entre 1905 et 1911, dont elle a tiré des récits illustrés par des documents reproduits en taille réelle.

La carte postale - on en imprimait plus de 300 millions par an ! - fonctionne alors comme un média. Les sociétés envoient leurs reporters sur le terrain et, grâce au procédé de la phototypie, produisent les épreuves en très grand nombre. Les acheteurs expédient ces scènes pour informer des proches et écrire sur la photo quelques mots souvent sans rapport avec ce qui est représenté. C’est ainsi que s’étalent "Affectueusement" ou "Mille baisers" sur une scène d’émeute…

Anne Steiner montre que ces documents constituent des reportages complets sur des événements, du début à la fin des affrontements, et enrichissent la connaissance historique. Dans différentes régions, vignerons, mineurs ou cheminots se succèdent dans les cortèges, les face-à-face avec la troupe ou les funérailles de manifestants tués. Car le monde ouvrier est figé ici dans l’action, le spectaculaire, voire la violence. Le temps des révoltes d’un monde englouti. Laurent Lemire

Les dernières
actualités