Bien que Gabriel Matzneff et son œuvre y aient toujours été controversés, et que ses ventes et son empreinte médiatique se soient considérablement réduites en un quart de siècle, le « milieu littéraire », considéré globalement, est curieusement devenu la cible privilégiée d'une bonne part des articles et émissions heureusement suscités depuis la mi-décembre, en France et dans le monde, par la parution, le 2 janvier, du récit salutaire de Vanessa Springora. Il n'en peut mais !

En dépit de l'analyse pertinente et courageuse de Denise Bombardier dès 1990 sur le plateau d'Apostrophes, l'auteur des Moins de seize ans a longtemps été protégé, dans un aveuglement dommageable, par nombre de ses pairs. On conviendra aussi avec Le Monde (7 janvier) qu'il a bénéficié en 2013 d'« un Renaudot [essai] de trop ». Mais, à cette aune, on peut tout autant incriminer le « monde médiatique ». Ou encore le « monde politique », qui lui a consenti une des allocations accordées discrétionnairement par le ministre de la Culture, via le CNL, à 15 écrivains dans le besoin. Surtout, on peut s'interroger sur la justice, qui a attendu le 3 janvier 2020 pour s'autosaisir et ouvrir une enquête pour viols sur mineurs.

On oublie un peu vite que les éditeurs, eux, ne sont pas des juges, que leur rôle social, s'il en est, n'est pas de se porter garant de la justice ou de la morale, mais de faire vivre, dans le respect de la loi et suivant leur propre conception de la création littéraire et éditoriale, les libertés d'expression et de publication qui sont des conditions de la vie démocratique d'un pays. C'est ce qu'ils font, en assumant leur diversité et leurs contradictions. C'est d'ailleurs la directrice d'une maison littéraire en vue, appartenant au deuxième groupe d'édition français, qui a porté l'estocade à Gabriel Matzneff. Et c'est une autre maison littéraire majeure, filiale du premier groupe français, qui a publié Le consentement.

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