1er septembre > Essais France

Les quelques mots placés en exergue d’Un destin disent presque tout. "Il s’agit dans ce livre de la destinée d’un citoyen français d’origine allemande et de confession protestante que Hitler fit juif." Avec intensité, courage et lucidité, l’écrivain et traducteur Georges-Arthur Goldschmidt (GAG) nous propose quelques réflexions sur l’identité, résumées par un "je ne comprends toujours pas ce qui me fait être ce que je ne suis pas".

GAG revient sur sa biographie, notamment cette jeunesse allemande dans les années 1930. L’enfant qu’il est comprend tout sans savoir. Avec l’arrivée au pouvoir des nazis, il ressent la fragilité qui menace sa famille convertie au XIXe siècle et ce mot "juif" qui sert à transporter le fantasme, la différence, le léger malaise puis la haine puissante qui emporte tout.

Un destin est un texte aussi court que profond. Les mots - GAG connaît bien leur pouvoir pour avoir traduit Benjamin, Nietzsche, Kafka ou Handke - sont pesés au trébuchet. On pourrait y voir des Mémoires. Ce ne sont que des retours sur soi. Il y a pourtant peu de certitude dans ces regards-là. "L’identité est muette", explique-t-il, comme la condition humaine. L’identité se résume pour lui au sentiment que l’on garde avec soi du premier au dernier jour et que l’on ne parvient pas toujours à exprimer.

Cette réflexion sur l’identité juive incite GAG à montrer que cette identité est devenue inidentifiable avec le temps. Elle s’est dissoute dans les contraintes de l’histoire, de son histoire. Au passage, il qualifie Martin Heidegger de "criminel de la pensée". Pour lui, le penseur aura contribué à obscurcir la langue allemande en utilisant des mots comme Gefolgschaft (adhésion-obéissance), Einsatz (engagement) ou Ereignis (événement) qui appartiennent à son système philosophique et au vocabulaire nazi. Le réquisitoire de Heidegger et la langue allemande est sans appel. Pour GAG, l’appropriation d’un tel langage n’a rien d’opportuniste ou d’occasionnel et marque sans équivoque un engagement profond. Les mots ont un sens. Lorsqu’on les traduit, ils perdent souvent leur charge historique. Le rappeler permet d’éviter que le champ lexical ne se transforme en champ de ruines. L. L.

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