8 NOVEMBRE - ROMAN Argentine

Dans la préface qu'il signe à cet intrigant roman argentin, Rodrigo Fresan évoque à la fois "la nuit obscure de l'âme" de saint Jean de la Croix et l'univers de Philip K. Dick. A l'entendre, l'employé anonyme que l'on trouve au coeur du livre de Guillermo Saccomanno "n'est ni plus ni moins qu'un maillon de la chaîne attachée à la cheville des travailleurs saisis dans leur transe". La prose de l'ancien publicitaire et auteur de bandes dessinées lui paraît "décharnée et médullaire", la trame de son roman "impitoyable et sombre, admirable à tous égards".

Le lecteur découvre ensuite une ville où patrouillent les hélicoptères, où l'on croise des "gamins zombies" et des "chiens clonés". C'est là qu'évolue un personnage aux gestes lents, fatigué et triste. Ce dernier a à sa disposition un ordinateur, des stylos, de l'encre, des cachets, des tampons, une gomme, un taille-crayon, un coupe-papier. "Il aime penser qu'il pourrait, malgré son caractère docile, et si les circonstances s'y prêtaient, devenir féroce", écrit Saccomanno de cet homme, qui a un chef, des collègues et une famille. A ce sujet, nous savons qu'il est marié à "un gros tas à la face chevaline", une femme "aigre et despotique" qui lui a donné des "ingrats bouffis" et mal élevés...

Persuadé d'être le meilleur, il lui arrive d'avoir des fantasmes immondes, mais il essaie toujours de "se fondre dans la masse, [de]ne jamais éveiller l'attention". Les heures supplémentaires ne font pas peur à l'antihéros de Saccomanno, bien au contraire. Un soir, le voici qui tombe nez à nez avec une jeune secrétaire. Elle habite une HLM où il la raccompagne en taxi, lui explique qu'il sort d'un naufrage sentimental et veut rester pour la nuit... Etonnant et oppressant, L'employé est, selon Fresan, "aussi sentimental, émouvant et désespérant qu'un tango bleu et triste chanté par un ordinateur devenu fou". On ne saurait mieux dire.

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