Le petit fer à repasser est le cinquième texte qu’Annie Cohen donne à la collection "Haute enfance" chez Gallimard. C’est un espace qui lui va bien puisqu’il s’agit d’y explorer la biographie comme un territoire reculé plus que comme un temps nostalgique. Car pour l’écrivaine née à Sidi Bel Abbès, qui avant d’embrasser la littérature à 35 ans au début des années 1980, parallèlement à une activité de plasticienne, a fait à Paris une thèse de géographie urbaine, la vie est d’abord géographie. "On n’écrit pas pareil à Nice ou sur les collines verdoyantes de la Seine", écrit l’auteure de L’Alfa Romeo (Zulma, 2009) qui conduit ses livres comme on part en virée en voiture. Ce sont donc des lieux autour desquels se bâtit une fois encore un récit bille en tête mais douloureux à distance. C’est un voyage à Mexico qui s’impose alors que le père vient de mourir, treize ans jour pour jour après la mère juive "qui chantait en espagnol dans son Oranie natale". Puis l’installation en Haute-Corse, sur "les terres du sud", bordant la Méditerranée des origines. La narratrice habite avec Fra, "l’époux de [sa] vie", cinéaste, et leur petite chienne Rita, dans une maison près de Bastia. Balaie la cour, plante des arbres et des fleurs. S’offre sur le marché aux puces un petit fer à repasser de voyage. A partir de là, le goût du luxe assumé se transforme en compulsive transe acheteuse. L’héritage du père fond dans l’aménagement complet d’un grand appartement, loué sur une impulsion. Puis à cette phase maniaque succède la dépression, après le retour précipité à Paris. "Où trouver le vrai pays de ses mots ?" Car la géographie est aussi intérieure. L’âme qui a perdu son cap se découvre "habitante d’un seul lieu" : "ma cellule parisienne sur le bord de la Bièvre", "mes ciels d’Ile-de-France". Le lieu auquel sa vie, tout entière vouée à sa passion d’écrire et de dessiner, a choisi d’appartenir. V. R.
