Roman/Italie 7 mars Claudio Morandini

La montagne est généralement le symbole de la force et de l'immutabilité. Dans Les pierres de Claudio Morandini, c'est l'inverse. Dominant la vallée où se situent les villages jumeaux de Testagno en haut et de Sostigno en contrebas, la montagne dans le roman du lauréat du prix Elsa-Morante 2016 se délite à vue d'œil. Paroles de géologues venus examiner ce drôle de phénomène : « Sous son allure imposante c'est une montagne faible, ses roches d'écaille cachent une fragilité terrible, chaque année les cimes s'érodent, les reliefs se déplacent et, en l'espace d'un petit million d'années tout sera plat, se sera bien beau s'il reste quelques collines sableuses. »

Qui aurait cru, s'interroge le narrateur, habitant de Sostino, que le sol fût si meuble : « Autrefois, quand nos ancêtres étaient jeunes, cette vallée n'était pas comme aujourd'hui, ce n'était pas un monde en morceaux. » Tout commence chez les Saponara, Ettore et Agnese, un couple d'enseignants originaires de la ville, dont l'épouse est l'institutrice de l'unique classe de l'école du village et le mari est déjà à la retraite. Engoncé dans le fauteuil, Saponara remarque au milieu du salon comme un tas de poussière. Il regarde sous ses chaussures pour voir si ce discret monticule de matière terreuse ne se serait pas échappé de ses semelles. Apparemment non. Trop confortable pour se lever, il s'assoupit. A son retour, sa femme, après avoir déduit que la masse était trop volumineuse pour provenir d'une quelconque semelle, donne un coup de balai. Le lendemain l'amas réapparaît en une pyramide miniature mais plus imposante que le tas de la veille. Ainsi débuta l'invasion des pierres. Mais telle n'est pas la version de l'ami du narrateur Tarcissio Berlera. C'est avec Ruggero, le frère du grand-père de ce dernier, que ça a débuté. Ruggero, qui en avait marre de garder les vaches trop indolentes, préfère courir après les chèvres pour les ramener à l'étable. Un jour qu'il saute, tel un bouquetin, au bord du ravin, une pierre branlante se détache et avec elle une kyrielle d'autres pierres qui n'ont pas cessé de dévaler les coteaux depuis. A chacun sa version, et de cette vérité aussi élusive qu'à multiples facettes, l'auteur d'un précédent roman montagnard, Le chien, la neige, un pied (Anacharsis, 2017), s'amuse et nous divertit tout autant avec ce mystère, entre burlesque des anecdotes à la Clochemerle et angoisse hitchcockienne façon Les oiseaux.

Claudio Morandini
Les pierres - Traduit de l’italien par Laura Brignon
Anacharsis
Tirage: 2 300 ex.
Prix: 17 euros ; 192 p.
ISBN: 979-10-92011-74-6

Les dernières
actualités