Avant-Critique non fiction

Leonardo Padura, "L'eau de toutes parts. Vivre et écrire à Cuba" (Métailié) : Sa Havane quotidienne

Leonard Padura - Photo © Ivan Giménez Tusquets Editores

Leonardo Padura, "L'eau de toutes parts. Vivre et écrire à Cuba" (Métailié) : Sa Havane quotidienne

Dans ce recueil d'essais écrits entre 2001 et 2018, Leonardo Padura explique les raisons pour lesquels il demeure toujours dans son pays d'origine, Cuba.

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Par Marie Fouquet,
Créé le 27.04.2022 à 11h00 ,
Mis à jour le 27.04.2022 à 16h18

Le 11 juillet 2021, alors que Cuba rencontre sa pire crise économique depuis 1990, des manifestations antigouvernementales sont violemment réprimées à La Havane : un mort, des dizaines de blessés, des centaines d'arrestations pour « sédition ». Padura réagit dans la presse : ce « cri de désespoir » mérite une réponse « matérielle et politique » du gouvernement. Deux ans auparavant, Leonardo Padura avait publié un recueil d'essais, L'eau de toutes parts. Vivre et écrire à Cuba, aujourd'hui traduit en français. Ce livre est une réponse riche et explicite à une question fréquemment posée par les journalistes : « Pourquoi vivez-vous à Cuba ? » Avec une simplicité teintée de bon sens et d'un trait d'humour, Leonardo Padura leur rétorque dans un premier texte, signé en 2018 : « Car il semblerait normal [...] qu'un écrivain cubain vive à Cuba » (Padura vit d'ailleurs toujours dans la maison où il a grandi, à Mantilla, un quartier de La Havane). Très vite, il revient sur la singularité d'une île marquée par son histoire politique complexe et ses mythes d'eldorado communiste ; puis il poursuit à propos de la révolution de son pays, en 1959 : « [Elle] maintient toujours sa condition d'État économiquement et politiquement socialiste, dans le style du projet utopique du XXe siècle ».

Padura écrit sur la cubanité, l'insularité, le pelota (base-ball national) qui disparaît au profit du foot (ce qui le désole), les écrivains Alejo Carpentier et José Lezama Lima - des « magasins de mémoires ». Dans une réflexion qui mêle aussi politique et sens de l'engagement, l'auteur de L'homme qui aimait les chiens, Poussière dans le vent et Hérétiques traduit en essai, d'un point de vue très personnel, ce qu'il composait en fiction, renouant ainsi avec les thématiques qui lui sont chères - l'histoire, l'exil, la littérature. Il livre ses souvenirs, ses prises de position et les coulisses de ses romans. Il rend un hommage particulier au poète maudit Virgilio Piñera (qu'il élève au rang d'un Borges ou d'un Cortázar), tombé dans l'oubli et longtemps stigmatisé pour ses distances avec la politique de l'État et pour son homosexualité. Face aux utopies cubaines et aux désillusions, face aux effacements de l'histoire, Padura ne cesse de marteler : « La mémoire est toujours, oui toujours, préférable à l'oubli. »

Leonardo Padura
L'eau de toutes parts. Vivre et écrire à Cuba Traduit de l’espagnol par Elena Zayas
Métailié
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 24 € ; 400 p.
ISBN: 9791022611954

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