25 août > Roman France

Qu’est-ce qu’un bon fils ? Un garçon gentil avec son papa et sa maman et qui, surtout, a des bonnes notes à l’école. Albertin, qui entre en première ES, n’en est pas un. Il le sait. Il fait même le désespoir de son père, chômeur accablé d’une fatigue chronique, seul chargé de son éducation depuis que la mère a déserté le foyer. Et pas sûr que cette manœuvre d’exfiltration à la campagne, dans une maison au milieu des bois, soit vraiment la bonne solution.

Heureusement, dans cette ambiance d’exaspération mutuelle, apparaît Hans qui se présente comme un ami d’enfance du père. Hans est "un peintre qui peint plus vrai que nature" et par ailleurs sait tout faire : chauffeur, cuisinier, répétiteur… Le père idéal. Il conseille même sur la conduite à tenir avec "la fille aux boutons d’or" qui a eu 14 au contrôle de sociologie, au lycée où se tiennent toutes les petites humiliations ordinaires. Pour commencer, Hans renomme le narrateur : ce sera Constant. Ainsi en a décidé ce "créateur d’illusions" tel que le décrit l’adolescent séduit à un frêne du jardin, confident auprès duquel il s’épanche.

Denis Michelis cite Perturbation de Thomas Bernhard en exergue de ce deuxième roman. On pense aussi à la noirceur perverse aux franges de la folie d’une Elfriede Jelinek. Un air germanique qui imprègne aussi les contes, en particulier les plus ambigus, ceux des frères Grimm, dont le journaliste et traducteur disait à la sortie de son premier roman, La chance que tu as (Stock, 2014), qu’ils étaient pour lui une influence majeure. Quand Le joueur de flûte de Hamelin rencontre Boucle d’or et les trois ours et La Belle au bois dormant.

Dans ce trio à huis clos, le géniteur incompétent, débordé, se raccroche à la rhétorique archétypale du père d’adolescent - "surtout ne m’aide pas", "surveille ton langage", "c’est la dernière fois que tu me parles sur ce ton". Il parle la langue de l’impuissance et de la déception. L’adolescent, lui, a la cruauté désinvolte, la compassion anesthésiée, cette forme d’amour-haine typique des fils au sortir de l’enfance à l’égard de leur père. Mais qui est Hans, aux belles boucles blondes, avec sa voiture rouge et sa merveilleuse voix, ce bel étranger qui ressemble au visiteur de Théorème de Pasolini et qui a installé son atelier dans la cave de la maison. Ange ou démon ? On laissera ici à chaque lecteur son interprétation. Reste l’effet : perturbant. V. R.

17.06 2016

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