23 août > Essai Israël-Espagne > Eva Illouz et Edgar Cabanas

En 1971, le roi du Bhoutan préconisait le bonheur national brut (BNB) en complément du produit intérieur brut (PIB). Cet indice alternatif est devenu la marchandise fétiche d’une industrie mondiale. Une nouvelle science du bonheur a même fait son apparition: la psychologie positive. Elle prétend que le bonheur peut s’apprendre. C’est pour nous mettre en garde contre cette Happycratie qu’Eva Illouz et Edgar Cabanas ont écrit cet essai décapant. Tous deux, l’une à l’université de Jérusalem, l’autre à Madrid, travaillent sur les usages politiques, économiques et sociaux du bonheur.

Tout le monde sait que le bonheur est dans l’à-peu-près. A peine l’a-t-on identifié qu’il a filé. D’où notre espoir de le revoir. Ce n’est pas ce que propose cette pseudo-science venue des Etats-Unis où le refus du négatif et le rejet du défaitisme deviennent des normes. Il faut être heureux dans l’acceptation du libéralisme consumériste.

Cette psychologie positive fait florès dans les librairies à travers ces romans, ces méthodes ou ces fiches pratiques qui sont censés guider le lecteur vers la félicité. Le bonheur devient la règle sans apporter de solutions aux vraies souffrances. L’injonction d’être heureux au quotidien, au travail, en retraite et jusqu’à la toute fin de vie n’est pas sans risque. Cette "happycratie" développe une "happyculture" avec ses "happyculteurs" qui font leur miel d’un produit qu’ils vendent à des citoyens transformés en "psytoyens". Le bonheur est une idée neuve en Europe. Qui a dit cela? Saint-Just, l’archange de la Terreur… L. L.

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