L'avenir ? No future ! Grandir, c'est nul, on le sait depuis Peter Pan. Et ici, grandir, c'est disparaître. Au sein d'un agrégat de quartiers en ruines, il ne reste plus trace ni de technologie, ni de mémoire collective, ni surtout d'adultes. Nourris et surveillés depuis leur naissance par des « Étrangers » à la silhouette longiligne et au visage sans trait, telles des ombres fantomatiques tout droit sorties d'un tableau de Salvador Dali, des gamins survivent en attendant la chute de leur dernière dent de lait. Ils sont regroupés en familles gérant leur territoire selon des lois communes, à commencer par celle du plus fort. Tout dérape quand une membre du clan du Collège - une jeune femme enceinte, qui n'a absolument aucune idée de ce qui lui arrive - disparaît. Dès lors, grandir n'est même plus une option.
Dans le pléthorique rayon des fictions postapocalyptiques, pas simple de sortir du lot. En tirant les tarots du scénariste, l'Américain Matthew Rosenberg est tombé sur des arcanes percutants : les ados, l'horreur et le punk. À partir de là, il a construit pour l'éditeur Image Comics un feuilleton haletant, mélange survolté de Sa Majesté des mouches, d'Orange mécanique et des Contes de la crypte. En bon écrivain de son temps, il chipe à la littérature young adult son découpage rythmé fait de très courts chapitres, et ses personnages faussement matures, davantage quasi-vingtenaires que vrais teenagers. Surtout, en bon maître du jeu (de massacre), il préserve le mystère sur le comment et le pourquoi de son univers. D'ailleurs, est-ce vraiment l'enjeu ? Pas dans les deux premiers tomes du moins (le deuxième, dans un cycle de trois, arrive dès septembre), car, pour notre plus grand plaisir coupable, Matthew Rosenberg préfère tisser un road-movie à pied dans une sorte de parc à thème déviant, où la cruauté est un langage comme un autre et où on idolâtre les vinyles sans savoir à quoi ils servent. Au dessin, Tyler Boss lui répond par un trait musclé, une patine vintage et des couleurs saturées, assumant joyeusement le caractère de série B gore, mais classe, du projet. Des personnages convaincants, des rebondissements bluffants et un graphisme de haute volée : cette série au titre bizarre a tout pour être la bonne surprise de genre de la rentrée.
C'est où le plus loin d'ici ? vol. 1
Casterman
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Annick Evrad
Tirage: 9 000 ex.
Prix: 23 € ; 272 p.
ISBN: 9782203242319