21 septembre et 1er octobre > Essais France

Quand on devient vieux, on oublie qu’on a été jeune. On cherche donc des avantages à cette nouvelle période de la vie. Certes, il y en a. On est plus vite assis dans le métro. Encore que… Bref, un professeur de littérature française et un philosophe qui n’ont pourtant pas atteint l’âge canonique discourent sur les privilèges de la vieillesse.

Jérôme Thélot le fait via Rousseau, considérant qu’il manque à l’œuvre de l’écrivain un traité sur la vieillesse et l’adversité. Le directeur du Centre d’étude des dynamiques et des frontières littéraires (université Lyon-3) s’est lancé dans ce défi. C’est donc autant une étude sur l’auteur de l’Emile qu’une réflexion sur le vieillissement et l’adversité, avec les bienfaits que peuvent procurer l’un et l’autre.

Rousseau préfère le sentiment à la littérature et la vie au discours. C’est au déclin de sa carrière qu’il prend la plume et il ne la lâchera que lorsque son "grand système" sera fatigué. La vieillesse est donc l’âge sage. La plume agile de Jérôme Thélot fouille dans l’œuvre du promeneur solitaire autour d’une question grave : "Comment le vieil homme, qui est d’histoire et de société, peut-il retrouver et thématiser l’homme éternellement jeune, qui est d’origine ?"

Il en ressort un joli traité sur l’usure de soi qui réinstalle la personne dans sa généalogie, dans sa nature même, dans le "bruit du temps", pour reprendre une formule du poète Ossip Mandelstam. Quant à l’adversité, elle l’oblige à se comprendre en profondeur. En somme, faire de sa décrépitude une plénitude.

Robert Redeker se situe davantage dans la défense des vieux "en danger de mort". Il envisage même la situation actuelle comme un "gérontocide" avec le paradoxe que notre société fabrique de plus en plus de vieux pour en faire des "hommes inutiles". La charge est héroïque, avec quelques arguments de bon sens et une ironie réjouissante quand il considère Mai 68 comme le passage à la politique de la chanson de Sheila T’es plus dans l’coup, papa.

Le polémiste rejoint finalement le lecteur de Rousseau lorsqu’il explique que la vieillesse est une porte qui s’ouvre sur un monde au moins aussi intéressant que celui qui vit sur l’illusion de l’immortalité. "La peur que nous inspire la vieillesse est parente de la peur que nous inspirent les déchets." Pour la Journée mondiale des personnes âgées (1er octobre), ces deux auteurs démontrent qu’on peut encore faire du neuf avec des vieux…

Laurent Lemire

 


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