Roman/France 2 janvier Christine Desrousseaux

Véra en a marre, n'en peut plus de la sollicitude intrusive de Mathilde, sa « fouine de sœur », des attentions énamourées d'Adrien, elle prend la tangente. Son vieil ami Thomas, parti vivre au Canada, et qui ignore tout de son accident et de son coma, lui prête son chalet dans le Jura. Dans son sac elle ne met pas ces médicaments qui l'assomment. C'est décidé, elle arrête le traitement. En revanche elle prend avec elle de quoi faire un petit autel pour Ada, sa mère, morte dans un accident de voiture. Véra était au volant. Véra en a réchappé mais garde comme séquelle une jambe folle qui l'empêchera de poursuivre son métier de lad jockey, et porte désormais sa vie telle une croix. « J'ai tué ma mère. [...] Tout le monde me rétorquait que non, ce n'était pas ma faute mais moi je savais que j'étais responsable de la catastrophe, de l'irruption brutale de la mort, injuste, irrémédiable dans notre vie à tous. »

Dès qu'elle eut franchi le seuil du chalet, la narratrice d'En attendant la neige de Christine Desrousseaux « [a] eu immédiatement l'impression d'être arrivée dans un lieu qui [l']attendait. » L'endroit est très isolé, au point que lorsqu'il neige trop, on ne peut plus accéder à la vallée par la route et on est obligé de chausser les raquettes pour rejoindre le village. Elle n'a dit à personne où elle s'est retirée. Quand elle se reconnecte sur sa boîte mail au « Café des indiens », seul troquet du coin avec Wi-Fi, où se réunissent quelques pelés au look de derniers des Mohicans, les messages de Mathilde affluent, qui l'exhorte à rentrer.

Sinon, là-haut dans la montagne, elle n'a pas vraiment de voisins, hormis « la maison de l'ornithologue », ce spectral voisin, qui va se révéler un bon Samaritain. Lorsque, la découvrant évanouie au cours d'une randonnée solitaire, il se charge de l'amener chez le docteur. Véra veut lui offrir une bouteille en signe de gratitude. Quand elle se rend chez lui, « le fantôme » n'est pas là, mais bientôt ils sympathisent : elle lui raconte son histoire et sa culpabilité vis-à-vis de sa mère. Lui s'appelle Andréas Bellmer, il est aussi médecin, médecin légiste. Certains réparent les vivants. Lui, sa vocation, c'est de percer le mystère des morts. L'auteure de Mer agitée (Kero, 2017, repris au Livre de poche, 2018) signe ici un récit de rédemption jonché de cadavres sortis du placard, ces primitifs complexes enfouis, ces secrets inavoués, la part d'ombre en chacun.

Christine Desrousseaux
En attendant la neige
Calmann-Lévy
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 17,90 euros ; 288 p.
ISBN: 9782702163610

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