Avant-critique Bande dessinée

Nicolas Puzenat, "Mégafauna. T. 2. Le livre des délices et des infortunes" (Sarbacane)

Mégafauna, t. 2 - Photo © Nicolas Puzenat/Sarbacane

Nicolas Puzenat, "Mégafauna. T. 2. Le livre des délices et des infortunes" (Sarbacane)

Le deuxième tome de Mégafauna de Nicolas Puzenat tient toutes ses promesses et nous entraîne toujours plus loin dans les méandres de son univers foisonnant.

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Par Anne-Claire Norot
Créé le 04.03.2023 à 11h00

Jeux de pouvoir. En mars 2021 paraissait une bande dessinée surprenante, se démarquant par son récit d'une originalité folle, Mégafauna de Nicolas Puzenat. Uchronie, fable écologique et philosophique, roman d'aventures et initiatique, cet album captivait par son univers inattendu et son intrigue trépidante. On y découvrait Timoléon de Veyres, un jeune médecin Sapiens venu du Dombrak. Accompagné de son ami Pontus, il partait à la rencontre des Nors, des descendants de Néandertal qui vivent séparés du reste du monde par une muraille et possèdent de nombreuses ressources naturelles convoitées par les Sapiens. Après de nombreuses péripéties, Timo finissait par épouser une princesse Nor et devenir roi.

Ce deuxième tome débute alors que rien n'a tourné comme prévu. Timo, qui voulait unir les Nors et les Sapiens, est décédé. La reine croupit dans les geôles des Guérisseuses, désormais au pouvoir chez les Nors et alliées avec le prince du Dombrak. Pontus fuit vers le Dombrak avec Brumel, une des filles de la reine et de Timo, qui ne croit pas à la mort de son père et espère reconquérir le pouvoir. Pontus consigne et raconte la suite des événements, jalonnée de retrouvailles, trahisons, déceptions, retournements de situation, épidémie, batailles...

Sous son dessin simple mais précis, l'agrégé de lettres Nicolas Puzenat développe brillamment son univers de fantasy délicate. Puisant dans l'imaginaire du Moyen Âge, il ne laisse aucun détail au hasard. Châteaux, fêtes villageoises, églises, fermes sont représentés avec minutie. Puzenat laisse néanmoins à son imagination la liberté et le grain de folie nécessaires pour que son décor ne soit pas un décalque BD des Très riches heures du duc de Berry- il a par exemple une vision bien à lui des modes capillaire et chapelière. Il ne rechigne pas aux télescopages temporels (il y a des mammouths dans ces contrées à l'allure médiévale), invente pour chaque peuple des croyances, des traditions, une histoire. D'une richesse et d'une cohérence encore approfondies dans ce deuxième tome, son monde n'en est que plus crédible. Mais la force de ce nouveau volume réside peut-être surtout dans les personnages. En plaçant le prudent Pontus et la courageuse et pragmatique Brumel sur le devant de la scène, il donne un tour inattendu à l'histoire et crée un duo efficace à travers lequel il interroge la notion d'espèce, le genre, la sororité. L'ajout d'un troisième larron, Krekl, un imagier qui parle avec les esprits des plantes et des animaux, lui permet de développer en filigrane un discours sur l'art, la beauté, la nature. Cette épopée humaniste s'attaque aux préjugés sans jamais oublier d'être captivante. La fin ouverte laisse espérer un troisième qui devrait entraîner lecteurs et héros vers d'autres horizons propices à l'aventure...

Nicolas Puzenat
Mégafauna. T. 2. Le livre des délices et des infortunes
Sarbacane
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 20 € ; 104 p.
ISBN: 9782377319848

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