La Cour de cassation a rendu un arrêt très instructif, le 11 décembre 2013.

Un avocat avait rédigé des articles juridiques. Or, ceux-ci, destinés à des revues, avaient été mis en ligne sans son accord. Les éditeurs invoquaient en vain une cession par le biais des mécanismes de cession de droits en vue de la reprographie.

Pour mémoire, le CFC (Centre français d’exploitation du droit de copie) intervient pour les droits de reprographie. Le statut des sociétés chargées du « photocopillage » est d’ailleurs encore plus particulier que celui des autres sociétés de gestion collective.

L’article L. 122-10 du Code de la Propriété intellectuelle (CPI)  prévoit en effet que « la publication d’une œuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société […] agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture. Les sociétés agréées peuvent seules conclure toute convention avec les utilisateurs aux fins de gestion du droit ainsi cédé, sous réserve, pour les stipulations autorisant les copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion, de l’accord de l’auteur ou de ses ayants droit. À défaut de désignation par l’auteur ou son ayant droit à la date de la publication de l’œuvre, une des sociétés agréées est réputée cessionnaire de ce droit ».

La reprographie est donc un domaine où le recours à la gestion collective est automatique et, même, obligatoire.

Mais la Cour de cassation précise que cette cession exclut toute utilisation commerciale. Les sociétés éditrices «ont porté atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur de M. F., lesdites sociétés n’étant pas fondées à se prévaloir d’une cession tacite ou implicite des droits d’auteur à l’éditeur».

Rappelons dès lors que plusieurs articles du CPI font référence à ce que les praticiens du droit d’auteur nomment « le champ d’exploitation des droits cédés ». Celui-ci doit être expressément déterminé et il est en effet indispensable pour tout contrat, et en particulier d’édition, de préciser au mieux les paramètres de la cession de droits qui fait l’objet du contrat.

Un principe essentiel domine en effet la cession des droits d’auteur : ne sont cédés que les droits mentionnés expressément dans le contrat.
L’article L. 122-7 du CPI indique d’ailleurs en ses alinéas deux, trois et quatre : « La cession du droit de représentation n’emporte pas celle du droit de reproduction.
« La cession du droit de reproduction n’emporte pas celle du droit de représentation.
« Lorsqu’un contrat comporte cession totale de l’un des deux droits visés au présent article, la portée en est limitée aux modes d’exploitation prévus au contrat.
»
Et le premier alinéa de l’article L. 131-4 du CPI de préciser :
« La cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle. »

Il faut donc commencer par indiquer lesquels des droits patrimoniaux sont cédés (droit de reproduction, droit de représentation), sachant que, si le contrat ne se réfère qu’au seul droit de reproduction, l’éditeur ne touchera aucune redevance en cas d’utilisation scénique (adaptation théâtrale, récitation, etc.) de l’œuvre qu’il a publiée. Il est donc fréquent dans les contrats d’édition de procéder à une cession des deux droits: droit de représentation et droit de reproduction.

L’article L. 131-3 alinéa 1 du même code permet de mieux cerner ce qui doit être mentionné dans tout contrat de cession de droits :

«La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.»

Et l’article L. 131-7 ajoute : « En cas de cession partielle, l’ayant cause est substitué à l’auteur dans l’exercice des droits cédés, dans les conditions, les limites et pour la durée prévues au contrat, et à charge de rendre compte. »

L’éditeur doit entendre par là que, quel que soit le cas de figure (cession d’un seul droit patrimonial ou des deux...), il lui est nécessaire de préciser le champ d’exploitation des droits cédés. L’« étendue » désigne les procédés d’exploitation envisagés. Il s’agit donc d’envisager toutes les utilisations possibles et imaginables de l’œuvre : poche, club, édition illustrée, en fascicules, en gros caractères, adaptation musicale, traduction, merchandising, etc.

La jurisprudence est extrêmement stricte sur ce point et considère que tout ce qui n’a pas été cédé expressément reste la propriété de l’auteur.

C’est ainsi qu’un éditeur qui a signé pour une édition en plusieurs livraisons ne peut lancer l’œuvre sous forme de fascicules facilement reliables ; cela reviendrait en effet à une publication en un seul volume – ce que l’auteur n’a pas entendu autoriser. Quant à l’éditeur qui a traité pour un volume, il n’acquiert en aucun cas le droit de publier en plusieurs parutions. De même, l’éditeur ne peut céder les droits à un club si aucun écrit ne permet d’attester de l’accord de l’auteur.

On comprend mieux ainsi la lecture faite par les hauts magistrats d’un contrat défaillant et d’un mécanisme de cession en matière de reprographie qui ne peut s’ériger en principe. 
 

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