22 février > Histoire France > Jean-Pierre Rioux

Après L’histoire de France vue d’ailleurs (Les Arènes, 2016) et l’Histoire mondiale de la France (Seuil, 2017), et avant l’essai de Jean-Noël Jeanneney à paraître fin mars chez Fayard, Le récit national, une passion française, voici un nouveau livre pour alimenter le débat sur la manière d’enseigner et de parler de l’histoire en France, et de la faire. Jean-Pierre Rioux apporte toutefois une note différente dans ce concert qui vire à la cacophonie, voire à la marche militaire, une petite musique centriste et chrétienne qui assène quelques vérités tout en rendant hommage à ses maîtres.

Ce spécialiste de l’histoire politique et culturelle qui a présidé le comité d’orientation scientifique de la Maison de l’histoire de France voulue par Sarkozy puis enterrée par Hollande - une expérience "navrante et blessante", dit-il - a choisi d’évoquer son itinéraire intellectuel et personnel pour éviter la foire d’empoigne.

L’enfance, donc, celle d’un gamin né avant la déclaration de guerre à l’Allemagne en 1939 avec les lectures de ceux qu’il nomme ses quatre mousquetaires : les duettistes lorrains Erckmann-Chatrian, le maçon devenu député Martin Nadaud, le fougueux Jules Michelet, et G. Bruno, pseudonyme d’Augustine Fouillée. Cette femme qui défend le devoir patriotique, l’éducation civique et la supériorité de la race blanche publie en 1877 chez Belin Le tour de la France par deux enfants - réédité aujourd’hui en fac-similé aux éditions des Equateurs -, dont il s’est vendu plus de 8 millions d’exemplaires en un siècle !

A travers ses vagabondages, Jean-Pierre Rioux raconte ses universités, ses amitiés, le choc de la guerre d’Algérie, ses compagnonnages auprès des chrétiens de gauche, son engagement dans les revues Esprit, L’Histoire, ou Vingtième Siècle qu’il contribua à créer, sa traversée de Mai 1968, ses travaux à l’Institut d’histoire du temps présent. Derrière tous ces moments, l’auteur de Vive l’histoire de France ! (Odile Jacob, 2015) exprime sa volonté de transmettre, d’expliquer. Il observe la dérive d’une histoire vampirisée par la mémoire qui devient une sorte de religion civique alors que l’histoire, rappelle-t-il en citant Lucien Febvre, "ce n’est pas juger, c’est comprendre - et faire comprendre". Derrière cette crise du passé qui affecte la représentation de l’avenir, le lecteur de Jean Guéhenno, Louis Guilloux ou Charles Péguy défend une conception de l’histoire comme intelligence du bien commun, comme un savoir-vivre-ensemble autour d’une mémoire collective.

"Défendre l’histoire de France fait de vous, dans certains cercles parisiens, médiatiques et savantissimes, un mauvais garçon que les petits marquis de l’examen critique voient, tour à tour ou en vrac, comme un sous-marin de la "petite" histoire réactionnaire, un souverainiste décati, un éclaireur du Front national, un esclavagiste déguisé et, pour tout dire, un chien de garde du néolibéralisme putride et de la raison d’Etat."

A lire Jean-Pierre Rioux, on comprend que ce ne sont peut-être pas les historiens mais les écrivains qui rédigent vraiment le roman de l’histoire nationale. Laurent Lemire

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