Avant-critique Biographie

Patrick Besson, "Albertine Sarrazin, la fugitive" (JC Lattès)

Patrick Besson - Photo © Patrice Normand / JC Lattès

Patrick Besson, "Albertine Sarrazin, la fugitive" (JC Lattès)

Qui se souvient d'Albertine Sarrazin ? Patrick Besson, qui dans Albertine Sarrazin, la fugitive, lui offre à la fois un tombeau et une résurrection.

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Par Olivier Mony
Créé le 11.01.2024 à 14h00

Albertine retrouvée. Heureux les réprouvés, avec un peu de chance Patrick Besson leur consacrera un livre. Demandez à Mike Tyson, Florence Rey, Novak Djokovic... Là mieux qu'ailleurs se cache la tendresse du bretteur. Là, parmi les unhappy few, les freaks, les bandits, l'écrivain se sent comme en famille. Le reste, c'est pour l'écume des jours.

Alors bien sûr, Albertine Sarrazin, c'est du pain bénit pour Besson. Elle, née en 1937, décédée en 1967, c'est en quelque sorte, dans l'histoire littéraire contemporaine française, la réprouvée des réprouvés. Résumons. Morte avant d'avoir atteint sa trentième année, une enfant abandonnée d'Algérie adoptée par des parents qui sont les premiers à lui donner une mauvaise opinion des adultes... Sinon, puisqu'il faut bien vivre, mais selon ses règles, fugueuse bien sûr et dès l'âge de 15 ans, voleuse, prostituée. Elle n'en fait pas encore toute une histoire. Physiquement, un peu Zizi Jeanmaire, beaucoup Piaf, son idole. Le diable dans la peau, s'en fout la mort et tout le bataclan. Ce qui naturellement l'amène à passer une bonne partie de sa trop courte existence derrière des barreaux. À attendre d'en sortir, à attendre d'y revenir aussi, puisque la prison lui est à chaque fois comme une perspective de résidence d'écrivains... Car il y a ça aussi, la lecture, Rimbaud, l'écriture enfin, sans défaillir jamais. Et la publication aux bons soins du toujours avisé Jean-Jacques Pauvert, à l'automne 1965, de ses deux premiers romans, récits, peu importe le genre tant que c'est le sien, L'astragale et La cavale. Succès aussi fulgurant que le sont les éclats de beauté pure jaillissant de ces pages. Deux ans passent, jamais tranquilles, avant que sur une table d'opération d'un hôpital de Montpellier, une erreur médicale ne rende à la mort ce qui lui appartient : Albertine.

Et Patrick Besson alors, au milieu de ce magnifique désastre ? Il se promène mine de rien et de crayon, sinon joyeux, au moins allègre. Puisqu'Albertine Sarrazin fut une sorte de Genet qui n'aurait rencontré ni Sartre ni Cocteau, il se propose d'en faire, posthumément, office. Pourquoi pas ? Son sens de la formule (« Sarrazin : Mallarmé de l'argot »), son goût des choses d'hier, s'y entendent à merveille. En bons camarades.

Patrick Besson
Albertine Sarrazin, la fugitive
JC Lattès
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 200 p.
ISBN: 9782709660648

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