2 mai > Nouvelles - Essai - Théatre Italie

Relaxé en octobre dernier à son procès pour incitation au sabotage dans l’affaire de la ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin, le solitaire Erri De Luca, plus habitué à la lecture matinale quotidienne des Ecritures dans le texte et à l’ascension des montagnes alpines qu’à l’exposition publique, est retourné à ses livres. En voici trois de formes différentes qui constituent ensemble une traversée méridienne de toute l’œuvre de l’écrivain italien et relient les points cardinaux de son vaste monde.

Le dernier voyage de Sindbad, la pièce de théâtre dans la collection "Le manteau d’Arlequin" inspirée du naufrage d’un bateau transportant des migrants albanais en 1997 date de 2002. Le cas du Hasard, dans la collection "Arcades", se présente comme un dialogue épistolaire entre l’écrivain et Paolo Sassone-Corsi, un ami biologiste moléculaire, napolitain comme lui mais installé depuis des années en Californie avec sa femme Emiliana Borelli, neurobiologiste. Dans ces lettres échangées en 2010, le littéraire et le scientifique discutent de la "prophétie de l’ADN", de la plasticité du génome, du "Hasard comme force rassurante", des cycles circadiens, des hormones et des bactéries… L’écrivain questionne et le biologiste rebondit, sans jargon, avec des mots simples et des images lumineuses.

Le plus et le moins, recueil de trente-quatre textes courts, est un très bel album souvenir. De Luca fait escale dans les lieux de sa vie, visite ses disparus, établit un bilan des héritages et des manques, une comptabilité souple et buissonnière que ne traverse aucune trace de regrets. Car, pour l’écrivain alpiniste, comme en montagne, réussites et défaites forment "un couple stable". "Je pratique l’escalade et je sais qu’un sommet atteint exauce un désir autant qu’il l’épuise. Tandis qu’il le porte à son comble, il le vide aussi. Le profit et la perte coïncident."

Dans un geste de gratitude, il embrasse Naples et le tuf de ses murs, "crachat des volcans", ses 20 ans politisés dans les révolutionnaires années 1970, ses "années de cuivre", les heures de maçon, d’ouvrier dans des usines du Nord… C’est l’hommage reconnaissant aux parents, accompagnés jusque dans leurs derniers jours - "Je ne suis pas un père. Je suis resté un fils, une branche sèche" -, l’ode à l’insulaire et libre "éducation ischitaine" et aux sommets des Dolomites où la notion de frontière n’a aucun sens. A la fin de cette ronde du temps, l’homme sans nostalgie s’adresse à la jeunesse : "A votre âge, mon avenir était en forme de flipper,/un ressort me propulsait en montée/dans le couloir de lancement./[…] Je vous salue/D’en bas et non d’en haut,/de la distance qui n’est pas expérience,/de la claque du flipper pour ne pas aller dans le trou."V. R

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