Changement de cap. Depuis 1998 que je m'intéressais à l'encre électronique, je crois avoir beaucoup donné pour la diffusion de la «bonne parole». Maintenant que nous y sommes, que les «readers» font l'actualité quasi-quotidienne, j'avais envie de changer d'air. Devant l'insistance amicale, mais néanmoins hiérarchique, de ma rédactrice-en-chef, je démarre un autre blog qui traitera du traitement du livre dans les médias, de l'actualité de l'édition vue par la presse, etc. Pas très original, direz-vous. D'ailleurs, j'ai longtemps hésité avant de me lancer, mais c'est la formule d'un internaute, pêchée dans «Brèves de Blog», que vient de publier Pierre Assouline aux Arènes (soit dit en passant, je ne voyais pas bien l'utilité de ce livre, qui rassemble quelques-uns des milliards de commentaires générés par son blog «La République des livres», mais la sélection est si bien faite que le résultat en est savoureux, sinon désopilant), qui m'a décidé. «Je n'ai rien à dire, mais je tiens à le faire savoir le premier», écrit cet internaute. J'en fais mon credo, la formule s'appliquant à merveille à cet exercice hautement narcissique qu'est le blog. Et pour ouvrir le bal, parlons de ce qui a déjà fait couler beaucoup d'encre : les nouvelles émissions littéraires du PAF. Passons rapidement sur l'émission de Christophe Hondelatte, «Vendredi si ça me dit» (France 2, à 19h), qui ne dit rien à personne. Les audiences sont catastrophiques, au point que Julien Courbet a déjà fait savoir qu'il était intéressé pour récupérer la case horaire… On ne pleurera pas sur Hondelatte, que ce naufrage rendra peut-être à un peu plus d'humilité. On aimerait être plus indulgent avec Daniel Picouly, également boudé par le public, hélas c'est impossible. Son «Café littéraire» (France 2, à 23h, un vendredi sur 2) est enregistré dans un décor acidulé, et comme il s'agit de faire «djeune», le public est impérativement jeune. Vendredi dernier, Elie Wiesel était ainsi interviewé non loin d'une jeune fille au décolleté attrayant. Malheureusement, ces jeunes recrutés pour faire de la figuration même pas intelligente, semblent s'ennuyer ferme — et nous avec. Picouly, il faut bien le dire, n'a pas l'étoffe du rôle : devant Elie Wiesel, on le sentait trop intimidé, incapable de relances efficaces. Suivait un débat au thème censé faire chauffer l'audimat : «Où sont les intellectuels ?». Sauf que le casting — Jean Bothorel, Jean-Paul Enthoven et Yann Moix — était navrant (cherchez l'erreur). En quelques minutes, on toucha le fond quand Yann Moix, évoquant «la figure du salaud au sens sartrien du mot», lança, d'une voix stridente, à Jean Bothorel : «Vous êtes un salaud et un traître !». Ce brave garçon n'avait sans doute pas été chercher cela tout seul : il y avait là comme une étrange réminiscence de l'émission de Busnel de la veille, «La Grande librairie», diffusée sur France 5, où Busnel, interviewant Yasmina Khadra, évoquait, à propos du personnage que celui-ci met en scène dans son dernier roman, «la figure du salaud, au sens sartrien du mot, et du traître». A ceci près que chez Busnel, le propos tombait… à propos. Bref, pour revenir sur «Café littéraire», j'ai zappé là : il y a un moment où le spectateur devient complice, par son inertie, de la vulgarité qui s'étale à l'écran. Reste Busnel. Dont la «Grande librairie» est diffusée le jeudi en prime-time (20h30), en direct, et rediffusée le samedi à 13h30. Beigbeder, qui a proclamé haut et fort tout le bien qu'il pensait de l'émission s'est attiré une volée de bois vert au prétexte qu'il est «employé» de Busnel (il est chroniqueur à «Lire», dont François Busnel est le directeur de la rédaction). Comme j'ai collaboré à «Lire», mais que j'en suis parti voilà bien deux ans, j'espère qu'on ne me servira pas le même reproche si je confirme : Busnel est le meilleur. Il n'a ni le ton un peu compassé d'un Frédéric Ferney, ni la hâblerie brouillonne et dilettante d'un Guillaume Durand, ni l'admiration parfois trop guindée d'un PPDA devant un grand écrivain. Son enthousiasme gourmand de bateleur de foire au vin pour parler des livres rappelle évidemment celui auquel tous rêvent de succéder : Pivot. Dans une interviewe croisée publiée par «La Croix» ce samedi, sur le thème de la  place du livre à la télévision, Busnel et Picouly donnent chacun leur vision d'une émission littéraire. L'un (Picouly) veut «aller vite, injecter du rythme, être sexy». Sa productrice, Catherine Barma, est du reste celle de Ruquier et d'Ardisson. L'autre (Busnel), veut bien céder «à la nécessité d'une écriture moderne», mais sans rien renier sur le principe d'une émission «strictement littéraire, qui ne mélange pas les genres». Sa «Grande librairie» est rythmée par juste ce qu'il faut de concessions à la modernité (SMS, dessins, portraits, reportages en librairies), mais l'essentiel reste la rencontre frontale avec l'écrivain. L'émission terminée, on avait envie de se précipiter pour lire Yasmina Khadra, Catherine Cusset, Mathieu Enard et Olivier Poivre d'Arvor. C'est bien le but, non ? Mais si Busnel réussit là où les autres échouent, c'est aussi qu'il a beaucoup lu (Hondelatte devrait en prendre de la graine) ; qu'il a essuyé les plâtres avec les «Livres de la 8» sur Direct 8 (comme naguère Pivot avec «Ouvrez les guillemets») et que, comme Pivot encore, il vient de la presse écrite (Pivot a longtemps officié au «Figaro»), une excellente école pour apprendre à partager son amour de la littérature et des écrivains. Reste que les audiences de Busnel ne sont pas davantage follichones : mais il est sur France 5, alors que c'est lui qui mériterait de décrocher la 2 ou la 3. On lui souhaite, en tout cas, de s'imposer. Post-Scriptum, qui n'a rien à voir : Une exposition Irène Nemirovsky va s'ouvrir à New York. «L'Express» de jeudi dernier nous apprenait que rien n'est prévu à Paris. Sollicité, le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, a «catégoriquement refusé». Sa directrice, une certaine Mme Sigal, détesterait Irène Nemirovsky, qu'elle juge un écrivain surestimé. Sans commentaire…

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