9 janvier > Roman France

Frédéric Werst- Photo JOHN FOLEY/SEUIL

En 2011, Frédéric Werst publiait le premier tome de Ward, pays imaginaire dont il avait compilé et traduit les textes écrits en wardwesan parvenus jusqu’à lui, qui en relataient les origines et la fondation. Le lecteur curieux y trouvait, en plus de cette anthologie, un lexique et une grammaire, des traductions alternatives, et un appareil de notes digne de la plus haute philologie. Ce projet borgésien continue : Ward : IIIe siècle se consacre aux textes de la période la plus florissante du royaume, demeurée célèbre comme «l’époque de la liberté» : le royaume s’affermit, la linguistique et la philosophie se développent, les genres littéraires se multiplient, trouvant de nouvelles formes pour exprimer de nouvelles réalités. Les voyages à travers le pays occasionnent le courant paysagiste, qui décrit un monde fantastique peuplé d’oiseaux colorés… C’est aussi le siècle où naît la morale, et où un embryon de démocratie est mis en place. L’époque des Lumières de Ward, peut-être ? Libre au lecteur de deviner des ressemblances, de faire des rapprochements avec un monde mieux connu. A mi-chemin entre utopie et délire de lettreux, plus certainement les deux à la fois, le projet Ward ne se donne pas comme un miroir du réel, mais comme une bibliothèque immense, où chacun peut puiser un peu ou beaucoup de matière à la rêverie, au rire ou à la réflexion. Tout y est jeu avec les codes, et jeu avec la langue : car pour les Wards, «le sage est présenté comme celui qui pratique certes la “mémoire de la mort” (zama ar wama) mais qui sait surtout être “ami de la langue” (yarn azon zarn)». Le travail titanesque et fou de Werst, qui a inventé une langue pour la retraduire, énonce le principe que le texte est premier, et que c’est à la littérature d’inventer le monde.

Fanny Taillandier

 

 

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