Quand le polar s'amuse

Un « escape game » proposé par Calmann-Lévy à l'occasion de Quais du polar 2018. - Photo Olivier Dion

Quand le polar s'amuse

Grande enquête dans la ville, murder party, escape game... Les éditeurs et directeurs de festival renouvellent les formes d'animation en mettant en scène le genre à travers des jeux participatifs.

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Par Claude Combet,
Créé le 28.03.2019 à 23h45

A la place de lancements classiques, afin de promouvoir leurs auteurs et leurs livres, les éditeurs de polar préfèrent désormais inviter les lecteurs à jouer. Tandis que Quais du polar, qui se déroule du 29 au 31 mars, renouvellera sa « Grande enquête dans la ville », Univers Poche et Calmann-Lévy saisissent l'occasion pour proposer murder party et escape game aux visiteurs du festival lyonnais.

A Lyon, une rue bloquée

« "La grande enquête dans la ville" a pris tout de suite, et certains visiteurs ne connaissent même du festival que l'enquête. Beaucoup de gens de la métropole lyonnaise viennent chaque année en famille ou entre amis pour la faire », constate Hélène Fischbach, directrice de Quais du polar. Depuis cinq ans, l'enquête draine 15 000 participants sur quatre jours, essentiellement pendant le week-end (les jeudi et vendredi sont réservés aux scolaires) et le score a explosé en 2018 avec 20 000 personnes, si bien qu'une rue où étaient déposés des indices a été bloquée.

Jeu de piste classique au départ, « La grande enquête dans la ville » a évolué en un jeu de rôle avec des comédiens qui donnent des indices tout au long d'un parcours qui utilise l'architecture et les monuments. « C'est une occasion de faire entrer le public dans des lieux où il n'irait pas naturellement », commente Hélène Fischbach. En lien avec le pays invité, l'édition 2019, intitulée « Cocktail nordique », sera « remise au centre de la ville pour la 15e édition du festival, avec un petit village place de la République ». Ajoutons que, grâce aux partenaires, les lots pour les gagnants, deux billets d'avion et des liseuses (entre autres), motivent aussi les inscrits.

Comme un Cluedo géant

Bénédicte Gimenez, responsable des relations librairies et salons d'Univers Poche, est une habituée du genre. Depuis 2015, elle a organisé quatre murder party sur les sept étages du Furet du nord à Lille, réunissant 200 visiteurs autour des auteurs maison. « La librairie est le lieu idéal, on peut mettre en avant un polar procédural au rayon juridique, un polar historique au rayon Histoire. Le Furet du nord devient comme un Cluedo géant », explique-t-elle. Pour les 35 ans de la collection « Grands détectives », en novembre 2018, elle a choisi un escape game à la librairie Mollat, un jeu de piste avec des énigmes liées à l'univers de la collection et des indices délivrés par les élèves du cours Florent. « C'est notre record absolu. On a eu 1 350 personnes en quatre sessions d'une heure chacune », souligne-t-elle.

Depuis 2017, elle propose une murder party à Quais du polar, dans le Musée gallo-romain en 2017 et 2018, cette année à l'Institut Lumière ce vendredi 29 mars. Sept à dix auteurs (Pocket, Fleuve éditions et 10/18), à la fois suspects et témoins d'une disparition ou d'un meurtre, seront interrogés par le public qui joue en équipe et doit récolter des indices pour trouver les coupables en deux heures.

De son côté, Calmann-Lévy proposera pour la seconde année un escape game dans la cour de l'hôtel de ville de Lyon autour du livre de Niko Tackian, Avalanche hôtel. 350 amateurs en ont profité l'an dernier, si bien que l'éditeur a dû refuser du monde.

Une organisation lourde

Si les budgets restent secrets, l'organisation est assez lourde. Quais du polar fait appel chaque année à la même auteure lyonnaise, Christelle Ravey, « attachée à la ville et à son histoire », pour écrire le scénario et le parcours, qui varient en fonction du thème et des partenaires qui changent chaque année (Musée gallo-romain, musée des Confluences, Centre d'histoire de la Résistance et de la déportation). Calmann- Lévy fait appel à Team Break, qui collabore avec l'auteur et la responsable marketing pour l'intrigue, et se charge des éléments de décor.

Bénédicte Gimenez, qui organise une dizaine de murder party chaque année, décline le concept en fonction de la taille de la librairie, avec présentation du livre et dédicace à la clé. « J'ai une version pour 80 personnes avec un seul auteur qui va être suspect ou témoin d'un meurtre, commente-t-elle. C'est une bonne façon de déplacer cinquante personnes qui ne viendraient pas forcément pour une simple signature. »

Pour les éditeurs, il s'agit tout autant de promouvoir la marque et leurs auteurs. « L'opération donne une autre image de la librairie et lui permet d'attirer une nouvelle clientèle, qui ne la fréquente pas habituellement, souligne Bénédicte Gimenez. La moyenne d'âge était de 20-25 ans à la librairie Mollat. Au Furet du nord, les participants dialoguent avec les auteurs sans crainte de les approcher. Tous cherchent à s'amuser. On prouve que la librairie peut être un lieu ludique. »

Des jeux exportés en Allemagne et en Italie

Le modèle fonctionne si bien que Quais du polar l'exporte chez ses partenaires étrangers : la Foire du livre de Leipzig l'a proposé dans le cadre de son« Krimi à la française »(avec une arrivée dans le studio de télévision où se tourne une des plus célèbres séries allemandes) et à Palerme, dans le Jardin botanique où a lieu la Marina di libri, dans une version plus légère avec une application. « A chaque fois qu'on nous demande d'intervenir à l'étranger, on nous réclame l'enquête, explique Hélène Fischbach. Dix-huit personnes des Instituts français viennent cette année pour voir comment elle fonctionne car c'est un concept qu'on peut adapter facilement. »

28.03 2019

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