11 septembre > BD Suisse

Auteur à succès de Titeuf et de la série des Happy (Happy girls, Happy rock, Happy sex, chez Delcourt), Zep manifestait depuis plusieurs années son envie d’une bande dessinée plus intime et plus adulte. Il s’en est approché avec les recueils de dessins très personnels Découpé en tranches (que Rue de Sèvres rééditera en 2014) et Carnet intime (Gallimard, 2011). Plus ambitieux, ce nouvel album, le premier du label BD de L’Ecole des loisirs, démontre qu’il y a vraiment pour Zep une vie après le gag.

Comme son titre l’indique, il s’agit d’une histoire d’hommes, en l’occurrence de quatre copains qui se retrouvent après dix-huit ans de séparation. Jeunes, ils composaient de leurs talents inégaux un groupe de rock, à l’instar de Zep lui-même. Les Tricky Fingers étaient parvenus à se faire remarquer d’un producteur anglais, mais avaient explosé en vol. Presque deux décennies plus tard, leur chanteur et leader, Sandro, resté en Angleterre et devenu une star, invite ses anciens amis dans son fastueux manoir. Frank, le batteur, a ouvert un restaurant à Verbier, station huppée des Alpes suisses. JB, le bassiste, mène une vie bien rangée avec femme et enfants, même s’il joue encore chaque semaine pour le plaisir avec des copains. Quant à Yvan, qui écrivait les chansons du groupe, il ne s’est jamais remis de son éclatement, végétant depuis dans un état dépressif.

Au fil de conversations aigres-douces, les retrouvailles sont l’occasion de raviver des souvenirs heureux ou douloureux. Elles font aussi émerger des secrets enfouis qui donnent un tour inattendu à ce huis clos sous tension, auquel participe également Annie, ex-compagne d’Yvan devenue celle de Sandro. Menant de front les échanges entre ses personnages pathétiques, tendres et attachants à la fois, et leur confrontation aux réminiscences de leur passé, Zep distille avec l’habileté d’un auteur de polar un vrai suspense. On le suit comme par effraction au travers de cases en formes de hublots. La couleur, utilisée comme une lumière d’ambiance, glisse du gris au rose et du mauve au bleu ou au vert, dotant l’ensemble d’une puissance surréelle.

Fabrice Piault

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