Rapport Zelnik-Toubon-Cerutti. Arsenal de bonnes mesures ou usine à gaz ?

Rapport Zelnik-Toubon-Cerutti. Arsenal de bonnes mesures ou usine à gaz ?

Le rapport Zelnik-Toubon-Cerutti, intitulé Création et Internet , est avant tout centré sur la musique. Il envisage la création d’une carte Musique en ligne destinée aux jeunes internautes. Les achats de musique en ligne des 15-24 ans transiteraient par cette carte dont 50% du coût serait pris en charge par l’Etat : 20 euros environ à la charge de l’internaute, et 20 pour l’Etat. Le dispositif devrait concerner un million d’utilisateurs. La carte permettrait à un jeune qui ne dispose pas de carte bancaire de payer pour ses téléchargements ; elle serait utilisable sur un portail de référencement de l’offre en ligne. On en attend un effet de levier sur les revenus de l’industrie musicale.     On a là une fausse bonne idée, et cela pour trois raisons au moins.   La première est d’ordre idéologique : comment peut-on penser qu’une sorte de chèque restaurant appliqué à la musique suffira à ruiner l’idée désormais si ancrée que le téléchargement, quoiqu’illégal, est légitime parce que la culture et le savoir relèvent de logiques de service public, et sont à disposition de tous ? Certes, une campagne d’information (faut-il écrire une « nouvelle » campagne) est prévue ; mais cela pourra-t-il inverser le cours des idées que les jeunes se font du numérique ?   La seconde porte sur le prix de la carte. Le même rapport évalue le « consentement à payer » moyen à 5 à 7 € par mois, toutes générations confondues, soit une somme bien moindre chez les jeunes. Il est difficile d’avancer que le jeune payera 20 euros pour la seule raison que l’Etat va lui doubler sa mise.     La troisième renvoie au principe de la subvention indirecte. Cette carte, dont la subvention est in fine  destinée au soutien à l’industrie musicale, est-elle la bonne voie du retour à la légalité et du soutien à une industrie qui est à 80% entre les mains de trois majors d’envergure mondiale ? Sera-t-elle assez incitative pour renverser le cours du temps, ou ne fera-t-elle   qu’ajouter une strate supplémentaire à l’édifice de la politique culturelle, ajoutant une subvention discrète à celles que l’on connait déjà ?     Aux coûts d’application de la mesure, s’ajoute donc une efficacité peu évidente.     L’autre point litigieux du rapport, me semble-t-il, porte sur le traitement des sites de streaming comme Deezer. Tandis que le rapport refuse explicitement et fermement la licence globale, il en entrouvre la porte en prônant un versement du type rémunération équitable (autrement dit un forfait sur les recettes) : pas de forfaitisation d’un côté, forfaitisation de l’autre. Allez comprendre.   En revanche, plusieurs points forts du rapport doivent être évoqués : mise en place d’un système de gestion collective des droits, conseillée, et, si elle n’est pas adoptée « spontanément », imposée, pour la gestion des droits musicaux sur Internet, extension du régime du prix unique du livre au livre numérique, dont on peut discuter l’applicabilité, mais qui met pertinemment l’accent sur la question des pratiques de dumping propres à certains acteurs de l’internet, alignement des taux de TVA du livre numérique sur ceux du livre papier, révision de la chronologie des médias pour la VOD par abonnement. Y est ajoutée la préconisation de la création d’un portail commun pour le livre numérique. De même, on retrouve la volonté de développer le crédit d’impôt, d’abonder les budgets de l’IFCIC, l’organisme de financement des projets culturels, et du CNL.   L’ensemble du dispositif requiert au total un financement de l’ordre de 50 millions d’euros. Une taxe déjà baptisée taxe Google est envisagée. L’idée est simple et convaincante a priori : taxer les revenus publicitaires en ligne des «grands acteurs» du web, comme Google, Yahoo, Microsoft ou... Facebook, sur la base des revenus générés par les clics sur les liens sponsorisés qu'ils proposent. Puisque les moteurs de recherche tirent des revenus de la mise à disposition d’œuvres qu’ils n’ont pas financées (dans la droite ligne de ce que l’on appelle chez les économistes un « passager clandestin »), il serait logique de leur demander de participer à ce financement via une taxe sur les clics publicitaires, et cela d’autant que ces sociétés sont basées dans des pays étrangers proposant des avantages fiscaux bien connus.         Question : cette taxe, somme toute justifiée, est-elle applicable ? Question centrale, car rien n’est plus ravageur que des effets de manche ou des coups de menton non suivis des actes qu’ils annonçaient.
15.10 2013

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