Roman/France 15 janvier Pauline Klein

Vivre, c'est parfois s'efforcer de ne pas. S'efforcer de laisser glisser les choses, les gens, à la surface du monde et de soi-même. Le fameux « je préférerais ne pas » qui fut celui de Melville et Bartleby et de tant d'autre part la suite, qui sont comme autant de phares de la littérature contemporaine, de Cioran à Blanchot en passant par Perros.

Camille, jeune femme d'aujourd'hui, la trentaine résolument irrésolue, est de celles-là. Elle est passée par ici, elle repassera par là. New York où elle atterrit comme un huron, inconsciente des possibilités qu'elle lui offre, Paris où elle retournera dans une égale indifférence, parfois un homme qui passe, peu importe, tant que l'indécision du réel prend le dessus. Dans son appartement parisien, dans la galerie d'art où elle a trouvé un travail d'archivage qui convient parfaitement à son goût de l'invisibilité, elle est bien ou mal ; elle ne se pose pas la question. Des questions pourtant, elle en a plein, auxquelles elle oppose comme seule réponse, « je n'avais jamais sous-estimé l'idée de n'avoir aucun autre projet dans la vie que celui de m'en sortir indemne ». Ces choses-là pourtant n'ont qu'un temps et ce n'est pas nécessairement celui de toute une existence. Il y a la société qui nous rattrape toujours, le sexe, la famille, le travail, et même dans le cas de Camille la perspective prochaine d'un mariage. La jeune femme se retrouve donc placée, non face à ses contradictions, mais face à son identité première de résistante à toutes ces choses qui sont la plupart du temps comprises comme celles « de la vie ». Elle y amènera une réponse en cherchant à ne pas trahir cette irrésolution indolente (et par ailleurs, irrésistible...) qui la constitue. Jamais elle ne voudra occuper l'avant-scène, la figuration lui va bien mieux au teint, croit-elle.

La figurante est le quatrième roman de Pauline Klein, le premier chez Flammarion, après trois autres chez Allia. C'est un délice de morosité douce. Il ne suffit pas de dire que l'humour y tient l'un des premiers rôles, mais surtout que la romancière parvient à maintenir un rythme (osera-t-on dire un suspens ?) avec rien, juste l'histoire d'une fille d'aujourd'hui dont le goût pour la décision n'est pas la vertu première. Il faut à la maîtrise de cette tension romanesque un grand talent qui est celui des petites choses. Et peut-être aussi des vraies et des grandes douleurs. De celles dont l'aveu est plus qu'une incongruité, une faute de goût.

Pauline Klein
La figurante
Flammarion
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 18 euros ; 198 p.
ISBN: 9782081500389

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