5 mars > Biographie-Spiritualité France

De Thérèse d’Avila, l’image la plus frappante est celle que façonna Le Bernin. Touchée par l’ange et tombée en extase, les yeux clos, la bouche entrouverte, la mystique espagnole du Siècle d’or a tout l’air d’éprouver un orgasme. Le seul portrait de la réformatrice du Carmel qui fut exécuté de son vivant est une croûte. Rétive au départ à l’idée de se faire portraiturer, elle accepta la demande de son confesseur le père Gracián de laisser un témoignage visuel à la postérité. Le résultat l’horrifia : "Je ne me savais pas si laide et si chassieuse." La peinture du XIXe siècle la figurant en couverture du nouveau livre de Christiane Rancé, La passion de Thérèse d’Avila, semble bien mièvre au vu du sujet. Sans doute faut-il se plonger dans ces pages pour prendre toute la mesure du caractère de la sainte dont on célèbre cette année le 500e anniversaire de la naissance.

D’une fratrie de onze enfants - elle est la fille préférée d’un père drapier marrane (juif converti) devenu hidalgo -, Thérèse est dotée de toutes les grâces. Belle, frivole et imbue de romans de chevalerie, elle flirte et séduit. Il y a péril en la demeure pour don Alonso, son père, qui craint pour l’honneur de sa maison. Elle est envoyée au couvent mais tombe malade. Son retour dans le monde se solde par une réelle conversion et par une profession religieuse et la prise du voile à l’âge de 22 ans. Mais la maladie revient et Thérèse est paralysée des membres pendant trois ans. Quand miraculée elle en retrouve l’usage, reflue la tentation du monde, du charme qu’elle exerce sur lui… Christiane Rancé restitue un tableau éminemment vivant et littéraire de ce Siècle d’or qui fut celui des conquêtes, de l’Inquisition, d’un catholicisme à la fois flamboyant et frisant l’obscurantisme. L’interrogation de cette auteure croyante se porte surtout sur les extases de Thérèse, cette façon extrêmement incarnée de vivre sa foi, "l’exaltation, tout évangélique, de la splendeur du corps, comme le tabernacle du Christ". Car, à rebours de la vision platonicienne d’un corps-tombeau, notre "corps […] est pour Thérèse le centre du mystère le plus bouleversant du christianisme : l’Incarnation". S. J. R.

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