Soutenue par 119 écrivains, Annie Ernaux revient à la charge contre Richard Millet

Annie Ernaux © O.Dion

Soutenue par 119 écrivains, Annie Ernaux revient à la charge contre Richard Millet

Dans une tribune publiée dans Le Monde du 11 septembre, l'écrivaine réfute les arguments développés par Richard Millet dans Eloge littéraire d'Anders Breivik.

Par Catherine Andreucci
avec ca Créé le 22.01.2014 à 15h39

La polémique autour de Richard Millet et de son texte, Langue fantôme, suivi de Eloge littéraire d'Anders Breivik, (Pierre-Guillaume de Roux), continue de prendre de l'ampleur.

Dans Le Monde daté du 11 septembre, l'écrivaine Annie Ernaux a publié une tribune intitulée «Le pamphlet de Richard Millet déshonore la littérature». Son texte est co-signé par 119 écrivains dont Olivier Adam, Tahar Ben Jelloun, Evelyne Bloch-Dano, François Bon, Geneviève Brisac, Agnès Desarthe, Marie Desplechin, Lionel Duroy, Mathias Enard, Didier Eribon, Lydia Flem, Philippe Forest, Valentine Goby, Maylis de Kerangal, Nancy Huston, Camille Laurens, J.M.G. Le Clézio, Alain Mabanckou, Amélie Nothomb, Jean-Noël Pancrazi, Michel Quint, Jean Rouaud, Lydie Salvayre, Boualem Sansal, Camille de Toledo, Delphine de Vigan...

«J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet [...] dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les «actes» de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n'avais lus jusqu'ici qu'au passé, chez des écrivains des années 1930», écrit Annie Ernaux.

La polémique ne cesse d'enfler et les interventions médiatiques de se multiplier.

Refusant de réserver silence ou mépris à cet ouvrage pour ne pas «dédouaner facilement la responsabilité d'un écrivain réputé pour savoir manier la langue à merveille», elle poursuit: «Richard Millet est tout le contraire d'un fou. Chaque phrase, chaque mot est écrit en toute connaissance de cause et, j'ajouterai, des conséquences possibles.»

Elle réfute les arguments développés par Richard Millet dans son texte. «C'est la littérature qui est ici au service d'Anders Breivik: en tant qu'elle est la pièce essentielle du développement de la thèse de millet. Elle est enrôlée de force dans une logique d'exclusion et de guerre civile, dont la portée politique, à moins d'être aveugle, est flagrante», écrit-elle. «Je n'accepterai jamais qu'on lie mon travail d'écrivain à une identité raciale et nationale me définissant contre d'autres et je lutterai contre ceux qui voudraient imposer ce partage de l'humanité.»

Depuis la parution du livre le 22 août, la polémique ne cesse d'enfler et les interventions médiatiques de se multiplier. Jeudi 6 septembre, le prix Nobel de littérature Jean-Marie-Gustave Le Clézio, publié comme Annie Ernaux chez Gallimard où Richard Millet est éditeur, a livré une tribune dans Le Nouvel Observateur, qualifiant de «répugnant» cet Eloge littéraire d'Anders Breivik. Le sujet a aussi nourri, entre autres, les chroniques de Patrick Besson et de Bernard-Henri Lévy dans Le Point, (6 septembre). Après avoir publié une tribune de Michel Crépu le 3 septembre, Libération a consacré, le 6 septembre, une page de portrait à Richard Millet, qui était invité dans l'émission de Frédéric Taddéi, «Ce soir ou jamais», le 4 septembre (France 3).

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