Roman/France 3 octobre Jérôme Garcin

C'était un éclat de jeunesse dans un pays déjà si vieux ; peut-être déjà mort. La France de l'après-guerre, entre gris et noir, entre souvenirs de la collaboration et amnésie collective. Seulement voilà, il fallut compter avec l'ironie des choses. Ce fut lui qui mourut et le pays de vieillir d'un coup encore plus. Fini le Cid, le prince de Hombourg, Fanfan et le diable au corps. Le 25 novembre 1959 (comme s'il avait fallu qu'il ne connaisse pas ces années 1960 qui lui promettaient déjà ses plus grands rôles, le merveilleux Monsieur Ripoix de René Clément en étant comme une bande-annonce), à l'âge de 36 ans, des suites d'un cancer foudroyant du foie, disparaissait Gérard Philipe.

Jérôme Garcin, bien sûr, connaît cette histoire. Bien plus tard, il épousa sa fille, Anne-Marie, et fut proche de sa veuve, Anne, dont l'œuvre littéraire, au-delà d'Un certain soupir, reste encore à réévaluer. Ainsi, il poursuit avec Le dernier hiver du Cid dans sa veine mémorielle et familiale qui est sans doute la plus belle de toutes (La chute de cheval, 1998, Son excellence, monsieur mon ami, 2008, Olivier, 2011, Gallimard). Tout commence et tout finira à Ramatuelle. Août 1959, entre jeux avec ses enfants, projets les plus divers (pourquoi pas Hamlet, enfin ?), engagements syndical et communiste, correspondance avec son ami Georges Perros, le comédien a mal au ventre. Nul ne le sait, mais tout est déjà consommé.

Garcin suit pas à pas, jour à jour, la progression du mal. L'espoir est aux abonnés absents. C'est l'occasion pour le romancier de réincarner cette grâce qui ne sait pas qu'elle va s'éteindre. Il y avait peut-être juste trop d'amour chez cet acteur. Un certain sourire qui n'était pas d'ici.

Laissons à Perros, à l'amitié duquel Garcin fait toute la place, ses derniers mots : « Voilà que tu as pris de l'avance, comme d'habitude, que tu as foncé dans les sables terribles qui nous attendent tous. Ce sera moins dur de mourir, maintenant, pour ceux qui t'ont aimé. Moins bête (...) Gérard, tu n'es pas mort. Tu fais semblant. Nous, nous faisons semblant de vivre, dans la gloire et l'horreur de ce jour, de cette nuit qui t'exaltaient. C'est égal. »

Jérôme Garcin
Le dernier hiver du Cid
Gallimard
Tirage: 25 000 ex.
Prix: 17,50 euros ; 208 p.
ISBN: 9782072797293

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