Roman/France 21 août Yaël Pachet

Il s'appelait Pierre Pachet. Aucun de ceux qui l'ont connu n'évoque sans trembler la vivacité, l'autorité presque, de cet homme, cet intellectuel qui permit à chacun de mieux penser le monde et comment y habiter. Cela s'appelle le charisme. Mieux, le charme. Celui, éclatant, de l'intelligence. Il écrivit aussi, tout le temps, mais pourtant un peu en douce, sans en faire pour son lecteur toute une histoire. Et c'est ainsi pourtant, que peu à peu, d'Autobiographie de mon père en Adieu, en passant par Devant ma mère ou Sans amour, son nom, d'abord mot de passe pour lecteurs happy few, est devenu celui d'un des grands écrivains de ce temps. De ce temps ? Oui et non, puisqu'il est mort, un jour de juin 2016.

Dans Le peuple de mon père, elle part de là, Yaël Pachet, sa fille. Elle y part, elle y revient, elle y arrive. « Je me propose de faire en sorte que sa mort ne soit pas un choc sourd dans ma vie, et si je voulais dire l'ambition de mon propos, ce serait de danser une dernière fois avec lui [...]et dans ce mouvement, de vérifier que je suis encore bien vivante, que je ne suis pas morte avec lui. Ne pas mourir étant la vraie, la seule cause de l'écriture, à mon sens. »Au nombre des injonctions paternelles (toujours du côté de la bienveillance, de l'amour), celle-là en premier : écrire. Yaël Pachet s'y emploie de façon à la fois très virtuose et avec un sens très aigu (à l'image justement, des livres de son père) des désordres narratifs et biographiques les plus féconds. Bien sûr, il y a lui d'abord, Pierre, perdu et retrouvé, le souvenir de sa présence au monde (magnifiquement rendue dans une langue précise et ferme), de sa maïeutique discrète, de ses voyages, de ses emportements, de sa vie, de sa mort. Il y a toujours ce « nous, c'est autre chose », qu'il renvoyait au regard des autres. Il y a la mère, Soizic, trop tôt disparue, figure de femme à la fois superbe et comme un peu « floutée » derrière celle de son écrivain de mari. Il y a bien sûr cette famille, venue de Transnistrie, d'un yiddishland aujourd'hui évanoui, qui sut accorder à la judéité toute sa place, mais rien que sa place. La vérité étant ailleurs, quelque part dans cette phrase que le propre père de Pierre Pachet lui adressa un jour : « Tu t'ennuies ? Tu n'as qu'à avoir une vie intérieure. » Il y a des obéissances qui se transmettent avec bonheur. Ce livre en est l'éclatante démonstration.

Yaël Pachet
Le peuple de mon père
Fayard
Tirage: 1 800 ex.
Prix: 18 euros ; 280 p.
ISBN: 9782213712512

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