Roman/états-Unis 7 février John O'Hara

Ils sont tous d'accord. Avant-hier, hier et même aujourd'hui. Tout ce que l'Amérique a pu compter, depuis près d'un siècle, d'écrivains importants, s'accorde à reconnaître John O'Hara comme l'un d'entre eux. Fitzgerald à qui il fut parfois comparé, Hemingway ou Dorothy Parker ouvrirent le bal, Updike et Doctorow y prirent part, ainsi que désormais Jonathan Dee, Fran Lebowitz ou Douglas Coupland. Ne nous attardons pas sur les raisons étranges pour lesquelles celui qui est parfois considéré comme le Balzac américain, demeure, malgré quelques traductions éparses, et parfois fautives, aussi mal connu en France. Réjouissons-nous plutôt de ce que les éditions de l'Olivier aient décidé de remédier à cette ignorance et d'aider à lui rendre toute sa place en rééditant ou éditant dans les mois à venir trois romans et une anthologie de ses nouvelles.

Cette si pertinente entreprise commence avec la réédition cet hiver du plus connu de ses romans, le plus traduit aussi, depuis 1948, et une première publication au Seuil, Rendez-vous à Samarra. Laissons à Hemingway le soin de s'en faire le héraut : « Si vous voulez lire un livre écrit par un homme qui maîtrise absolument son sujet, et qui l'a écrit merveilleusement bien, lisez Rendez-vous à Samarra. » De sujet, il n'y en a pas vraiment malgré tout, mais un climat plutôt, blanc, urbain, provincial, bourgeois et mélancolique, qui sera l'essence même plus tard, de l'œuvre d'un Cheever ou d'un Updike. C'est l'histoire d'un homme qui tombe et qui s'abandonne à sa chute avec délice. Pourquoi, en ce soir de Noël 1930, dans cette petite ville tranquille de Pennsylvanie, Gibbsville, lors d'une de ces réceptions où les membres de la gentry locale aiment à se reconnaître entre eux seuls, l'honorablement connu Julian English, venu là avec sa femme, la belle Caroline, a-t-il balancé son verre à la figure du non moins estimé Harry Reilly ? Sans raison apparente. Et ce geste, dans l'Amérique de la crise et de la prohibition, aura des conséquences infinies pour son auteur et au-delà pour toute cette communauté qui se découvre plus fragile qu'elle ne l'aurait cru. John O'Hara dissèque cet effondrement avec une précision parfois empreinte d'une douloureuse tendresse. Ce qui se lit en ses pages habitées, c'est un univers dominé par la honte et la peur. Peur du déclassement social bien sûr, mais aussi peur des hommes envers les femmes tout autant que le contraire. 

John O’Hara
Rendez-vous à Samarra - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marcelle Sibon
L’Olivier
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 22,50 euros ; 288 p.
ISBN: 9782823614428

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