18 janvier > Essai France > Alexandre Adler

Si le Brexit a été un coup de tonnerre, l’élection à la Maison-Blanche le 8 novembre 2016 aura été un véritable séisme, comme Donald Trump l’avait lui-même prédit : "Ça va être le Brexit puissance 10 !". Même si, à la veille des résultats, l’écart entre la démocrate Hillary Clinton et son rival républicain populiste s’était resserré, personne n’osait y croire. Mais oui, celui qui succédera au premier président noir de l’histoire des Etats-Unis, deux fois élu, Barack Obama, sera ce milliardaire fantasque Donald Trump. Va-t-il appliquer son délirant programme : mur sur la frontière mexicano-étatsunienne, protectionnisme avec une taxation des produits chinois, révision de l’Otan, remise en cause d’accords internationaux comme celui sur le nucléaire iranien ou celui de Paris sur le climat… ?

Trump est avant tout un pragmatique, se rassureront d’aucuns, et l’outrance de la campagne ne se répercutera pas forcément sur la politique qu’il mènera ; quoique les premières nominations ne laisse augurer rien de bon. Mais là n’est pas le problème. La rupture a déjà été consommée, analyse Alexandre Adler dans son nouvel essai, La chute de l’empire américain. L’historien dissèque le "collapsus Trump" en dressant les traits saillants de ce personnage imprévisible qui rompt avec les fondamentaux de la culture politique américaine. "Non, insiste l’auteur de J’ai vu finir le monde ancien (Grasset, 2002), l’irruption du champion Trump n’a pas de racine culturelle dans le sentiment démocratique américain, ni aucune racine biographique au-delà de préjugés les plus courants dans son milieu ; elle est réellement l’irruption du nouveau, et d’un nouveau fort désagréable, au cœur de la République américaine."

Rhétorique ordurière : insulte à l’égard de cette mère musulmane d’un soldat mort au champ d’honneur, contre une journaliste taxée d’hystérie à cause d’une supputée période de menstruation ; verbe d’une violence inouïe : lors d’un discours, le démagogue fielleux avait évoqué une possible "balle perdue" que pourrait prendre son adversaire Hillary.

Le scrutateur du temps long retrace la généalogie de la haine politique outre-Atlantique : les premiers insurgés de l’originel Tea Party contre la Couronne britannique, les confédérés esclavagistes au Sud contre les fédéralistes républicains au Nord… Et s’il y eut aussi des crises profondes, notamment 1929 et la Grande Dépression, demeurait toujours un consensus autour de l’idée de "décence", ce vieux fond de respect mutuel des premiers pèlerins à l’éthique protestante. L’ombre au tableau fut évidemment le moment du maccarthysme, hystérique chasse aux sorcières anticommuniste au plus fort de la guerre froide.

Alexandre Adler nous invite à voyager dans l’histoire culturelle et symbolique d’une Amérique sur fond de désindustrialisation plus clivée que jamais, mêlant à son anatomie des points de vue pertinents sur la culture populaire : d’Elvis Presley à Michael Moore ou George Clooney. Sean J. Rose

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