17 octobre > Essai France

André Versaille est un familier de l’œuvre de Voltaire, qu’il arpente maintenant depuis quelques décennies. En 1994, il publiait chez Complexe, la maison qu’il avait fondée, un Dictionnaire de la pensée de Voltaire dans lequel il balisait en quelque 1 300 pages l’itinéraire d’un touche-à-tout de génie. Il en a repris des éléments en élaguant beaucoup et en les adaptant aux principes de la collection dirigée par Pierre Assouline. Cela donne ce pétillant Autodictionnaire Voltaire. A chaque entrée, un texte tiré de ses œuvres ou de sa correspondance. C’est donc Voltaire qui parle, lorsqu’on l’interroge évidemment. Et d’Abraham à Zoroastre, il est intarissable.

De Ferney, cet insatiable curieux observe le monde. Il s’en réjouit et s’en désespère tout à la fois. Son regard est variable. On passe donc par tous les stades de la poursuite du vrai, du bien, du beau, du sublime. André Versaille a mis un peu d’ordre alphabétique dans ce chaos d’idées claires. Grâce à lui, Voltaire a toujours quelque chose à dire, même sur les sujets les plus inattendus comme l’impuissance masculine ou le sacrifice des veuves hindoues.

Les amateurs de contexte repasseront. On ne suit pas l’évolution de la pensée de Voltaire dans ses flux et reflux. On la convoque, on la chipe d’une page à l’autre. Et l’on se prend au jeu du détour et du hasard qui nous conduit par exemple à l’indignation contre l’emploi du mot « cul » pour signifier des choses communes. « Comment a-t-on pu donner le nom de cul-de-sac à l’angiportus des Romains ? »

C’est surtout la liberté de ton et la liberté tout court qui inspirent ces extraits. « Si j’osais, je me croirais sage, tant je suis heureux. » Nous ne sommes pas dans une anthologie destinée à redonner aux étudiants et aux gens pressés tous les passages fameux d’une œuvre gigantesque. Certains y sont, d’autres pas. L’essentiel, c’est l’esprit de Voltaire, ce refus de tous les fanatismes, de toutes les obscurités, avec sa pertinence et ses égarements aussi. On a pu dire que, comme le soleil d’hiver, sa pensée éclairait, mais ne réchauffait pas. C’est faux ! Certes, Voltaire se montre sérieux dans la désinvolture et désinvolte avec le sérieux. Mais il le fait toujours avec le même enthousiasme.

Cet « autodictionnaire » ne constitue pas pour autant un autoportrait, ou alors à la manière du Démocrite rieur des peintres hollandais. Il s’agirait plutôt d’une mise à nu, illustrée par une pensée bondissante, erratique quelquefois, mais toujours pleine d’énergie. Reste à savoir pourquoi André Versaille a choisi Voltaire ? Parce que, pour ses quatorze ans, son père lui avait offert les œuvres de l’écrivain - avec celles de Chateaubriand - comme une invitation à la littérature. Comme quoi, un livre est un cadeau jamais perdu.

L. L.

 

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