Classes préparatoires

Dossier Classes préparatoires : après la réforme

Olivier Dion

Dossier Classes préparatoires : après la réforme

Deux ans après le début de la réforme des programmes de classes préparatoires aux concours des grandes écoles, les éditeurs complètent leurs catalogues pour affronter la concurrence du marché de l’occasion. Certains entretiennent l’élan commercial de la réforme en lançant d’ultimes collections nouvelles.

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Par Charles Knappek
Créé le 24.04.2015 à 09h05 ,
Mis à jour le 08.05.2015 à 18h49

La réforme des programmes des classes préparatoires, si elle a quelque peu rebattu les cartes chez les éditeurs, n’a pas permis à tous de proposer un catalogue complet dès l’entrée en vigueur des nouveaux programmes - à la rentrée 2013 pour la première année et à la rentrée 2014 pour la deuxième. Les catalogues sont complétés au compte-gouttes en fonction des besoins, tandis que certains éditeurs lancent également de nouvelles collections pour enrichir leur offre. "Après une bonne année en termes de ventes, notre problématique est de compléter l’offre sur les titres qui manquent, indique Eric d’Engenières, directeur éditorial classes préparatoires et concours chez Dunod. Par exemple, en juin, nous publions un gros manuel de géologie en quadri pour les étudiants de BCPST. "

"Nous avons publié plusieurs tout-en-un en mathématiques, en physique et en chimie dans les filières MP, PC, et PTSI. Ces titres couvrent les deux années de prépas, nous optimisons l’achat de l’étudiant." Frédéric Vignaux, Studyrama- Photo OLIVIER DION

Au total, chez Dunod, une dizaine de titres manquaient au programme de 2e année, contre environ 25 qui avaient été publiés dans les temps dans la collection phare "J’intègre". Celle-ci est organisée en plusieurs séries aux finalités complémentaires. La dimension entraînement est appréhendée dans une collection "très abordable" intitulée "Exercices incontournables", tandis que "Méthodes et exercices" est "plus pointue", et que "Tout en fiches" propose des ouvrages plus parascolaires.

"L’étudiant de prépa est sans doute le dernier à continuer de feuilleter avant d’acheter. Il est important de donner leur chance aux ouvrages en leur assurant une visibilité satisfaisante car l’achat d’un livre de prépa n’a rien d’automatique, il a besoin d’être vu." Manon Savoye, Ellipses- Photo OLIVIER DION

Sous la marque Bréal, le groupe Studyrama poursuit la mise à jour de son offre en prépas scientifiques. "Nous avons publié plusieurs tout-en-un en mathématiques, en physique et en chimie dans les filières MP, PC, et PTSI, annonce Frédéric Vignaux, directeur éditions chez Studyrama. Ces titres couvrent les deux années de prépas, nous optimisons l’achat de l’étudiant." En revanche, Bréal est absent pour le moment de la filière MPSI.

"La réforme avait pour particularité de mettre en avant une forme de liberté pédagogique dans les programmes qui, sur certains points, ont pu se révéler un peu flous. Nous n’avions pas non plus l’expérience du réel puisque les premiers concours ont lieu ce mois-ci, en avril." Eric d’Engenières, Dunod- Photo OLIVIER DION

Vuibert, nouvel entrant à la faveur de la dernière réforme sur le marché des classes prépas, revendique un "bon bilan", selon son directeur, François Cohen. "Nous avons réussi une percée avec une offre limitée d’une dizaine de titres, c’est au-delà de nos objectifs, se réjouit-il. L’épreuve littéraire de prépas scientifiques s’est même installée dans les meilleures ventes de son marché, nous avons été en rupture de stock." C’est surtout en direction des prépas IEP que Vuibert poursuit son développement. "Après les très bonnes performances de 2014, nous continuons sur ces concours avec cinq titres", ajoute François Cohen. Dans la collection "Climax", les deux tout-en-un couvrant le concours commun Sciences po (avec Bordeaux et Grenoble) et le concours de Sciences po Paris sont refondus avec de nouvelles couvertures et davantage de contenus. Vuibert sera aussi présent à travers la collection d’ouvrages par épreuve "Intégrer Sciences po" en couvrant l’anglais, le thème de questions contemporaines 2016 et l’histoire au concours commun.

Leader sur le marché des classes prépas, tous domaines confondus, Ellipses revendique lui aussi un bon bilan en 2014. L’éditeur enrichit sa collection phare "Prépas sciences" pour la rentrée prochaine avec un titre consacré à la biologie en 2e année. Ellipses a aussi à cœur d’arborer une offre la plus large possible dans toutes les filières, y compris les marchés les plus étroits. "Nous avons une collection"Cultures antiques" dans laquelle nous publions tous les ans un titre consacré au thème de khâgne aux concours", illustre Manon Savoye, la directrice éditoriale.

Pour assurer une présence satisfaisante en librairie à l’ensemble de son catalogue, y compris dans les filières comptant peu d’étudiants, Ellipses mise sur des "conditions commerciales intéressantes" et "une grande souplesse" dans sa politique de retours. "L’étudiant de prépa est sans doute le dernier à continuer de feuilleter avant d’acheter. Il est important de donner leur chance aux ouvrages en leur assurant une visibilité satisfaisante car l’achat d’un livre de prépa n’a rien d’automatique, il a besoin d’être vu", insiste Manon Savoye. Ellipses joue également sur les passerelles existant avec le monde universitaire. L’éditeur a commencé l’an dernier à intégrer quelques titres destinés aux classes prépas dans sa collection "Références sciences". "L’étudiant de prépa a besoin de livres sur-mesure. Parfois, cela implique de sortir des sentiers battus ", décrypte Manon Savoye.

Ajustements

Un an après la reprise, au sein du groupe Hachette Livre, d’Armand Colin par Dunod, quelques ajustements ont été effectués. Dunod conserve la marque Armand Colin pour la publication des ouvrages destinés aux classes prépas commerciales, mais réorganise l’ensemble du catalogue au sein d’une unique collection créée pour l’occasion et intitulée "Destination grandes écoles". L’ancienne collection "Impulsion" disparaît et est incorporée avec plusieurs autres titres autonomes dans "Destination grandes écoles". Il en va de même pour les titres anciennement publiés sous la marque Sedes, laquelle se retire du marché des classes prépas. Dunod et Armand Colin maintiennent chacun les sujets de français-philosophie en prépas sciences, et de culture générale en prépas commerciales.

En revanche, le site dédié d’Armand Colin pour l’épreuve de français-philosophie, qui proposait des sujets à l’unité, n’est pas conservé. "Les élèves qui se préparent à l’épreuve recherchent un ouvrage complet avec l’étude comparée des œuvres, de la méthodologie, décrypte Eric d’Engenières. La vente granulaire n’a pas forcément beaucoup de sens pour des titres qui ont une durée de vie très courte. " "De toute façon, les classes prépas représentent un petit fonds chez Armand Colin, qui est surtout présent sur les concours d’enseignement", rappelle l’éditeur.

Chez Lavoisier, la directrice éditoriale Fabienne Roulleaux confirme son positionnement haut de gamme dans les filières scientifiques : "Nous proposons les exercices que tout le monde doit savoir faire, mais aussi les exercices pour les élèves qui visent les meilleures écoles. Ces bons élèves ont besoin d’exercices spécifiques, explique-t-elle. Au-delà de l’aspect quantitatif (nous n’avons pas l’offre la plus exhaustive), nous faisons en sorte d’être les meilleurs sur la conformité aux programmes." Après avoir refondu et renommé en 2013 ses deux collections "Compétences prépas" (cours) et "Performance concours" (méthodes, synthèses de cours et exercices corrigés), Lavoisier en a encore clarifié les maquettes des couvertures à la rentrée 2014.

Dunod va également tirer profit des deux années d’expérience post-réforme pour affiner ses ouvrages. "La réforme avait pour particularité de mettre en avant une forme de liberté pédagogique dans les programmes qui, sur certains points, ont pu se révéler un peu flous. Nous n’avions pas non plus l’expérience du réel puisque les premiers concours ont lieu ce mois-ci, en avril", précise Eric d’Engenières. Si les organisateurs de concours ont donné leurs premières directives en amont, la tenue des premières épreuves permettra aux éditeurs d’y voir plus clair.

En prépas littéraires, Hachette Supérieur affiche une "remarquable stabilité des ventes, très satisfaisante dans le contexte actuel", indique Julie Pelpel-Moulian, responsable éditoriale (supérieur, technique et numérique). Pour la rentrée 2015, l’éditeur proposera notamment une version remise à jour de Literature in english : anthologie des littératures du monde anglophone, dont la dernière édition remontait à 2002. "C’est notre petit événement de la rentrée en classes prépas, souligne Julie Pelpel-Moulian. En général, les éditeurs proposent des ouvrages portant sur la littérature d’un pays en particulier. Nous sommes les seuls à couvrir l’ensemble du monde anglo-saxon."

Hachette revient

"Les professeurs ont tendance à ne plus prescrire l’achat de gros tout-en-un et à privilégier leur cours. Les étudiants achètent donc des ouvrages de complément proposant des exercices corrigés et des explications." Julie Pelpel-Moulian, Hachette Supérieur- Photo OLIVIER DION

S’il a toujours été présent sur le segment des langues, Hachette Supérieur n’a pas réinvesti immédiatement après la réforme le marché des prépas scientifiques. "Nous attendions les premiers retours d’expérience pour voir ce qui devait être approfondi et développé, justifie Julie Pelpel-Moulian. Pour son retour, l’éditeur abandonne les gros manuels de cours afin de se concentrer sur les formats plus concis d’exercices corrigés. Pour ce faire, la collection" Exos résolus", jusqu’à présent dédiée aux lycéens, s’étend aux classes préparatoires. Un macaron jaune "Spécial prépa" apparaît sur les couvertures de ces ouvrages "très appréciés des élèves de terminale S", selon Julie Pelpel-Moulian, et pour l’occasion proposés dans un format plus grand. Trois premiers volumes paraissent fin juillet : Physique et Chimie pour les PCSI et Physique-chimie pour les MPSI. "Les professeurs ont tendance à ne plus prescrire l’achat de gros tout-en-un et à privilégier leur cours, explique l’éditrice. Les étudiants achètent donc des ouvrages de complément proposant des exercices corrigés et des explications." Hachette Supérieur n’est pas le seul à croire aux formats synthétiques qui, s’ils sont loin d’être la panacée comme cela peut être le cas à l’université, séduisent néanmoins de plus en plus les élèves des prépas.

En prépas commerciales, le segment des ouvrages de géopolitique reste dominé par Nathan. "Notre part de marché s’élève à 47 % en 1re année et grimpe à 65 % en 2e année, se félicite Charles Bimbenet, directeur du département technique supérieur formation adulte. On est sur un marché de prescription, les enseignants apprécient notre travail régulier." Disposant déjà d’un catalogue complet avec deux livres en 1re année (Les grandes mutations du monde au XXe siècle, La mondialisation contemporaine) et ses quatre titres de 2e année (Europe, Asie, Amériques, Afrique et Moyen-Orient), auxquels s’ajoutent les ouvrages de référence La France et La cartographie, Nathan renforce néanmoins son offre avec la publication prochaine d’un petit hors-série couvrant l’actualité géopolitique récente. "Il ne s’agit pas de refaire toute la collection, mais de proposer des focus, explique Séverine Martineau, directrice éditoriale adjointe. A noter que dans la collection de langues "The guide", Nathan publie une nouveauté en août : The grammar guide.

La géopolitique est investie par d’autres éditeurs, à commencer par Bréal avec sa collection "Le monde en fiches". Depuis sa reprise par Studyrama, l’éditeur poursuit le toilettage de son catalogue, mais n’a pas encore retrouvé ses meilleurs niveaux de vente, convient Frédéric Vignaux. Hachette Supérieur a, pour sa part, publié en août dernier Géopolitique du monde contemporain. "C’était notre première incursion sur ce marché, précise Julie Pelpel-Moulian. L’auteur est connu des professeurs." Pour la rentrée 2015, l’éditeur complète son offre sur ce segment avec Etats et régions du monde contemporain. Pour sa part, Foucher a préféré se contenter de proposer, dans la filière économie, Réussir l’épreuve : histoire, géographie, géopolitique du monde contemporain, paru en mai 2014. En classes prépas scientifiques, l’éditeur propose deux ouvrages à jour de la réforme : les deux volumes de Sciences industrielles pour l’ingénieur (1re et 2e années).

Entretenir la flamme

Alors que les effets de la réforme des programmes mise en œuvre il y a deux ans tendent à s’étioler, plusieurs éditeurs lancent de nouvelles collections pour les prolonger et conserver au marché un bon dynamisme.

"Les élèves ne savent pas toujours sur quoi ils doivent mettre l’accent en début d’année. Ces livres les aident à cerner l’ensemble du programme. Ils peuvent ensuite acheter le livre d’une matière dans laquelle ils ont besoin de travailler davantage." Fabienne Roulleaux, Lavoisier- Photo OLIVIER DION

La réforme des programmes des classes prépas s’est échelonnée sur deux ans et a permis de dynamiser les ventes de l’ensemble des éditeurs, mais ses effets s’estompent peu à peu. Alors que le marché de l’occasion pointe à nouveau le bout de son nez, plusieurs éditeurs misent sur la parution de nouvelles collections d’ouvrages d’exercices et d’entraînement pour atténuer les conséquences de ce retour à la normale de l’activité. Vuibert lance pour la rentrée une série de titres couvrant l’ensemble des classes prépas, centrée sur les rappels de cours et l’entraînement, et intitulée "Méthodes, exercices, problèmes". "Une fois que les réformes sont passées, notre idée est qu’il faut continuer d’alimenter le marché avec des offres renouvelées et complémentaires permettant de contrer l’occasion qui touche les tout-en-un, décrypte François Cohen, directeur de Vuibert. Mais l’installation de cette nouvelle série, qui s’intègre dans la collection "Vuibert prépas", est aussi fondée sur l’évolution de la manière de travailler des étudiants, qui se tournent eux aussi vers les formats courts." La nouvelle série propose trois titres en prépas scientifiques (Maths MPSI, Maths PCSI-PTSI, Physique PMSI-PCSI-PTSI) et quatre en prépas commerciales (Maths ECE et ECS en 1re et 2e année).

"Il faut continuer d’alimenter le marché avec des offres renouvelées et complémentaires permettant de contrer l’occasion qui touche les tout-en-un." François Cohen, Vuibert- Photo OLIVIER DION

Efficacité immédiate

De la même façon, Ellipses lance pour la prochaine rentrée une nouvelle collection destinée aux prépas scientifiques dont le nom n’a pas encore été arrêté, mais qui adoptera un positionnement plus synthétique. "Elle est destinée aux étudiants qui sont dans la recherche d’efficacité immédiate, explique Manon Savoye, directrice éditoriale de la maison universitaire. Les livres sont orientés vers la méthode et l’entraînement." Ellipses annonce une autre nouvelle collection consacrée aux matières scientifiques des prépas commerciales, sans livrer davantage d’informations. "Nous tenons à ce que ce soit notre force de vente qui donne la primeur aux libraires", justifie Manon Savoye.

Si l’objectif poursuivi est différent, Lavoisier publie lui aussi une nouvelle collection intitulée "L’essentiel", qui propose une approche par filières à destination des prépas de 1ere année dans les quatre principales filières scientifiques (MPSI, PCSI, PTSI, BCPST-Véto). "Les élèves ne savent pas toujours sur quoi ils doivent mettre l’accent en début d’année. Ces livres les aident à cerner l’ensemble du programme. Ils peuvent ensuite acheter le livre d’une matière dans laquelle ils ont besoin de travailler davantage", estime Fabienne Roulleaux, directrice éditoriale chez Lavoisier. L’éditeur n’envisage pas d’étendre la formule aux prépas de 2e année. "Ce n’est plus pertinent en 2e année car les filières se subdivisent et cela devient trop fragmenté", ajoute Fabienne Roulleaux.

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