Qu'est-ce que ça vous fait de savoir que 253 personnes sont mortes dans la rue cette année ? 1/ Vous êtes triste 2/ Vous vous en foutez 3/ Vous avez déjà donné un euro Ni le Parisien , ni le Figaro , ni Libération , ni Rue 89 , n'ont réalisé un tel sondage dans leurs éditions internet. Dommage, on aurait bien rigolé. Pourtant, le 14 juin dernier, je n'avais pas envie de rire mais plutôt de poser des bombes ! Année après année, depuis 1998, le « Collectif des morts de la rue » continue inlassablement la tragique litanie, sous la forme de faire-parts et de deux célébrations annuelles en un lieu différent. Le 14 juin c'était à Paris dans le 20 ème arrondissement, place de la Réunion, la bien nommée, que devant deux cents personnes. Sont montés au micro cathos, gauchos, clodos pour égrener les noms des 253 hommes, femmes ET enfants qui sont morts dans la rue en un an. Peu à peu le silence est tombé avec le jour autour des 253 panneaux noirs collés à même le sol. Chacune de ces « tombes » était occupée par une rose et un livre ouvert : sur la couverture, à la place du nom de l'auteur celui d'un de ces morts, qui soudain n'était plus anonyme, avec son âge et, à la place de la mention de l'éditeur, la date et le lieu de la mort. Sur la quatrième de couverture, écrit à la main, une courte biographie posthume. A l'invitation des organisateurs chacun des participants à cette cérémonie est reparti avec un livre, charge à lui de le déposer quelque part dans la rue comme un « livre voyageur » pour que le souvenir de cette personne soit connu du plus grand nombre. Je suis reparti avec «  José, 50 ans  », mort le «  20.3.2011 à Cormeille en Parisis  » et ma femme avec «  Pierrette  » sans âge, morte en «  2010 à Strasbourg  ». Pierrette «  vivait à la rue et en est morte  ». José, lui, «  vivait dans un cabanon  depuis 30 ans, dans un bois en bordure de la route. Il était connu de ses voisins qui en parlent avec respect.  » Deux vies résumées, honorées, par ces livres d'occasion ainsi rhabillés pour l'été. La couverture du livre de José enferme  un livre sur la Russie, celui de Pierrette un livre sur l'histoire de la bande dessinée. Drôle d'idée que de maquiller ainsi un livre pour rendre hommage à une victime de notre société, direz-vous. Surtout quand l'histoire de cet homme, de cette femme se limite à quelques mots. Une phrase ici, deux là. Pourtant, c'est à un auteur, un très grand auteur, que l'on doit cet hommage. Rappelez vous Amadou Hampâté Bâ et sa fameuse phrase : «  En Afrique un vieillard qui meurt c'est une bibliothèque qui brûle  ». 253 bibliothèques ont disparu chez nous en un an dans l'indifférence quasi générale. Et nul doute que si 253 bibliothèques avaient brûlé en France, les journaux seraient plein d'articles scandalisés. Mais ce n'était que des pauvres ! Je vais respecter le vœu du Collectif des morts de la rue et relâcher le livre de José dans un lieu public pour que, de main en main, nous soyons quelques uns à penser à José. Pourtant j'ai une furieuse envie de jeter ce livre à la gueule des plus de 50% des maires de France qui refusent de se mettre en règle avec la loi RSU en construisant dans leur commune plus de 20% de logements sociaux (ainsi que l'a révélé la Fondation Emmaüs de l'Abbé Pierre, homme de colère depuis l'hiver 1954). De le jeter au visage des dames Bettencourt qui se battent comme des chiffonnières pour quelques centaines de millions d'euros, sans la moindre décence. De le flanquer, tel un bonnet d'âne, sur la tête de Nicolas Sarkozy et de Lionel Jospin. Le premier avait promis en 2006, lors de sa campagne présidentielle, que «  d'ici deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid  »... 2009, 2010, nous sommes en 2011. Quant au second, qui s'est contenté d'un seul tour à la présidentielle de 2002, il s'était fixé comme objectif " zéro SDF en 2007 ". Nous sommes en 2011, vous entendez ?                                    **** De Goncourt en Académie française, on n'en finit pas de distribuer des prix aux bons élèves de la classe littéraire. J'ai envie de lire deux livres couronnés la semaine dernière. Une amie m'avait invité à la remise du prix Veolia du livre d'environnement. Les marchands d'eaux sont généreux, ils ont couronné un livre qui me tente : Une histoire de la forêt de Martine Chalvet chez Actes-sud. Quant au Biblioblog, excellent blog littéraire , il vient de désigner L'embrasure de Douna Loup, lauréat de la cinquième édition de son prix. L'universitaire Martine Chalvet et la jeune romancière suisse Douna Loup viennent de trouver un nouveau lecteur.
15.10 2013

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