Elle ne voulait pas les fêter vraiment, et puis si ! 30 ans quand même, c’est un cap, ça se fête, pourquoi pas "une nuit terrible, une nuit diluvienne", plein d’amis, plein d’alcool, "ou garde rapprochée" ou "totalement overdressed, champagne, saumon, mignardises figue au foie gras". Tous les fantasmes de fête tournent dans sa tête mais une chose se produit qu’elle n’a pas prévue ce soir-là, elle couche avec Thomas B. Romancier prometteur, spécialiste de Gracq, prix de Flore, Thomas B. est un jeune éditeur qui vient de se voir confier une collection dans une prestigieuse maison parisienne et qui avait contacté Alma W. à ce sujet pour qu’elle y apporte un "petit titre".
A priori, coucher le premier soir avec un garçon dont on admire les livres, il n’y a pas de quoi en faire un fromage, ni un livre, du reste. Mais Alma vit en couple avec Paul. Paul dont la profession est procureur. "Etre procureur c’est défendre la sécurité de l’ordre public, […] Paul jouit d’être exagérément répressif." Entre eux, c’est un duel des volontés permanent affublé en jeune ménage. Elle aime porter une petite robe noire, lui déteste ; elle est parfois hésitante, lui jamais ne doute : il a même eu le culot d’envoyer (avec succès) son premier manuscrit à elle à un éditeur sur la recommandation d’un ami. Alma et Paul sont complémentaires ou opposés, c’est selon.
Aux antipodes, Paul et Thomas B. portent le même parfum. "J’ai failli prononcer le nom du parfum et j’ai jugé ce réflexe inopportun, j’espérais déjà que je coucherais avec ses mains, les mains de Thomas B. et ce visage ombrageux à la bouche pleine de son arrogance, avec ce corps que je ne pouvais pas encore détailler mais qui m’appartenait déjà, alors que je n’ai pas trahi l’odeur de Paul." Alma se soumet totalement à Thomas, chute libre dans l’abîme du désir. Deux jours plus tard, Alma se réveille dans une chambre d’hôpital psychiatrique. A travers son alter ego Alma présente dans ses précédents livres, Claire Berest signe un vertigineux "Quarante-huit heures de la vie d’une femme", et réussit cette autofiction pleine de folie et de mélancolie. Sean J. Rose
