Entretien

Adrian Diaconu : Actissia se recentre sur le livre

Photo olivier Dion

Adrian Diaconu : Actissia se recentre sur le livre

Le propriétaire depuis un an et président depuis quatre mois du groupe Actissia, qui détient les clubs France Loisirs et Grand Livre du mois ainsi que le site Chapitre.com, explique ses motivations et lève pour la première fois le voile sur sa stratégie.

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Par Clarisse Normand
Créé le 24.06.2016 à 01h30 ,
Mis à jour le 24.06.2016 à 10h40

En mars 2015, c’est en sauveur qu’Adrian Diaconu a repris Actissia en mars 2015 au fonds d’investissement américain Najafi. Le groupe comprend les clubs France Loisirs et Grand Livre du mois (GLM) ainsi que le site Chapitre.com. En mars 2016, cet entrepreneur de 57 ans, installé au Luxembourg, en a aussi repris la présidence. Présent trois jours par semaine à Paris, il travaille à la mise en place d’une stratégie de relance basée sur un recentrage des activités dans le livre. Homme de défis, Adrian Diaconu a, à son actif, une riche expérience professionnelle. Cet ingénieur de formation, d’origine roumaine, a déjà racheté et redressé plusieurs entreprises moribondes, à commencer par la filiale logistique de GLM à partir de laquelle il a créé en 2002 ADS, devenu un des leaders de la logistique du e-commerce en France, et revendu en 2012 au géant japonais Rakuten. Et chez Actissia, il arrive dans une société qui ne lui est pas inconnue puisqu’elle a appartenu jusqu’en 2011 à Bertelsmann, groupe pour lequel Adrian Diaconu a travaillé de 1985 à 1998. Aujourd’hui simultanément président d’ITS, société d’investissement très présente dans le secteur de la robotique, et directeur de Rakuten Europe, Adrian Diaconu détaille sa stratégie pour Actissia.

Adrian Diaconu - Fin 2014, le président d’Actissia, Jörg Hagen, m’a appelé pour me dire que France Loisirs était sur le point de déposer le bilan… à moins qu’une reprise ne m’intéresse. Deux raisons m’ont poussé à y aller : l’une de cœur, l’autre de bon sens. De cœur, parce qu’après deux rapides expériences, dont l’une dans l’agroalimentaire où j’ai développé un process de fabrication de tartes aux pommes, j’ai travaillé quatorze ans pour le groupe Bertelsmann, fondateur et propriétaire de France Loisirs : d’abord dans le livre, côté informatique et automatisation des process, puis dans la branche services regroupant notamment la logistique et le centre d’appel. J’en suis parti en 1998 pour devenir directeur général de GLM, alors entre les mains d’Albin Michel, mais aujourd’hui dans celles d’Actissia. Il était inconcevable pour moi de voir disparaître ces clubs. D’autant que, dans leur chute, ils auraient entraîné 2 300 personnes. L’autre raison est plus raisonnable. France Loisirs est un club de livres, mais aussi un écosystème avec de nombreuses activités : finances, assurances, voyages, photos… En profitant des fichiers clients des clubs, ces dernières ont contribué jusqu’à 60 % des résultats du groupe. Un tel écosystème est une vraie richesse.

Je n’ai eu que des mauvaises surprises ! Tout a été détruit ou vendu par le précédent actionnaire, Najafi. Les activités financières, les activités photo mais aussi les biens immobiliers ont été cédés, à commencer par le siège parisien situé boulevard de Grenelle. Résultat, nous louons maintenant à des prix prohibitifs des locaux qui nous appartenaient. Nous allons devoir déménager au plus vite, à Paris ou en bordure.

Quand je suis arrivé, la dette s’élevait à 70 millions d’euros, les fonds propres étaient négatifs de 30 millions et chaque année Actissia perdait 20 millions. Aujourd’hui la dette n’existe plus et les fonds propres sont positifs à hauteur de 20 millions. Mais j’ai perdu beaucoup de temps à faire face aux urgences, et cela a retardé la mise en place d’une nouvelle stratégie.

La diversification menée à partir de 2013 dans les cosmétiques a été une grosse erreur. L’offre en livres s’est appauvrie et celle en cosmétiques ne correspondait pas aux attentes. C’était pourtant prévisible. Dans les années 1990, une étude montrait déjà qu’aucun produit ou service autre que le livre, à l’exception de la photo, n’intéressait plus de 10 % des clients France Loisirs. Résultat, ces dernières années, France Loisirs a vu fondre son nombre d’adhérents. Dorénavant, l’objectif est de nous recentrer sur le livre. Il faut retrouver l’ADN du groupe qui est d’apporter de la lecture dans tous les coins et recoins de France. Pour cela nous avons trois marques complémentaires : France Loisirs pour les incontournables, GLM pour l’actualité et Chapitre.com pour les introuvables. Nous allons décloisonner ces activités et faire jouer les synergies commerciales. Nous allons aussi revitaminer l’offre et redévelopper un segment pour les enfants. Les premières mesures seront visibles à la rentrée et nous envisageons de lancer une campagne TV et radio pour bien faire comprendre que nous sommes de retour.

Il ne s’agit pas d’arrêter ce qui fait la profitabilité marginale du groupe. D’ailleurs, aujourd’hui le livre seul ne suffit plus. Mais cette offre de diversification ne sera proposée qu’en partenariat. Nous allons par exemple développer des pop-ups stores à disposition des sites pure players qui ont des produits et des services en résonance avec le livre. Nous leur permettrons d’exposer dans nos boutiques, sachant que les achats se feront en ligne. Notre ambition est de nous positionner comme une marketplace on-line et off-line et de redévelopper l’écosystème dont je vous ai parlé.

Nous avons 164 boutiques en propre et 40 corners en librairies. Dans ces points de vente qui voient passer 60 % de nos clients, nous allons mettre en valeur l’ensemble de nos offres : incontournables, actualité et introuvables. Il ne s’agit plus de s’adresser uniquement aux adhérents. Avec ces trois offres, nous pouvons couvrir 100 % du marché, alors que jusqu’à maintenant, avec les clubs, nous ne touchions que 7 % des familles. Dans ce cadre, nous allons faire passer nos magasins d’un format compris entre 80 et 150 m2 à environ 250 m2. Cette évolution débutera en Belgique, où nous avons décidé de garder nos deux derniers magasins qui seront transformés en librairies-cafés sous la marque Chapitre. Dans ce pays, celle-ci n’est pas entachée comme c’est le cas en France.

La moyenne d’âge de notre clientèle est de 43 ans, contre 41 ans il y a vingt ans. Le problème n’est pas la clientèle, mais le fait que nous ne l’avons pas écoutée ces dernières années. Depuis dix ans, la mécanique des clubs s’est enrayée faute d’adaptation. Aujourd’hui, il faut faire évoluer le réseau de vente directe vers la promotion plutôt que la vente. Il faut remettre le client au cœur de la stratégie.

C’est vrai, avec la liquidation des librairies, Chapitre.com a vu son chiffre d’affaires divisé par trois. Pourtant il n’y avait pas de lien entre les deux. Aujourd’hui, on me reparle sans cesse des librairies, qui n’ont rien à voir avec le groupe que je dirige. Il faut arrêter cette stigmatisation. Le site Chapitre.com, qui va fêter ses 20 ans cette année, a retrouvé le chemin de la croissance. Il est présent sur différentes marketplaces, dont celle d’Amazon, et est même le premier vendeur sur celle de Priceminister.

Bien sûr. Nous vendons même déjà des livres numériques. Nous sommes associés à la plateforme TEA développée par Decitre, chez qui nous avons d’ailleurs une participation minoritaire. Mais nous allons aussi créer une unité spéciale réunissant nos activités digitales. Et nous sommes sur le point de racheter une entreprise spécialisée dans le webmarketing.

J’ai financé moi-même l’investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros grâce aux fonds dont je dispose depuis la vente d’ADS. Mais Actissia doit rapidement être capable d’autofinancer ses investissements. Il faut remettre en place un cercle vertueux.

L’objectif est de doubler dans les trois ans le chiffre d’affaires que nous réalisons dans les biens culturels et de le porter entre 500 et 600 millions d’euros. Soit le niveau que nous avions il y a cinq ans.

Elles sont très bonnes. D’ailleurs, pour les éditeurs, cela aurait été une catastrophe si France Loisirs avait disparu. Surtout pour les petits chez qui nous pouvons représenter jusqu’à 50 % des revenus. Certes nous sommes un club, mais il n’est pas question de nous centrer sur nos produits et Chapitre.com propose toute l’offre disponible. Nous sommes un commerçant, non un éditeur.

Je peux vous annoncer l’arrivée d’Emmanuel de La Rochère (ex-Fnac et Cultura) comme responsable du réseau de boutiques, et celle de Stéphane Amiot (ex-Hachette et ReadBooks) comme directeur du numérique. Et nous annoncerons d’autres nominations à la rentrée.

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