Avant-critique Roman

Agnès Desarthe, "L'oreille absolue" (Éditions de l'Olivier)

Agnes Desarthe - Photo © Celine NIESZAWER/Leextra

Agnès Desarthe, "L'oreille absolue" (Éditions de l'Olivier)

Rentrée littéraire

Avec L'oreille absolue, Agnès Desarthe compose le roman que nous savons tous porter en nous. Une prouesse d'écriture, un classique en devenir.

Parution le 22 août

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Par Laëtitia Favro
Créé le 04.08.2025 à 09h00

Le monde est un village. « On ne sait plus où les mettre. » Dans la salle des mariages d'une commune où tout le monde se connaît, Monsieur le maire a réuni le conseil municipal. L'heure est grave. L'hiver s'installe et le cimetière est plein. « Nos morts, on ne sait plus où les mettre, se désole-t-il. Il faudrait que les gens arrêtent de mourir. » Le nouveau roman d'Agnès Desarthe s'ouvre donc lors d'« un hiver où rien ni personne ne doit mourir ». Ni Raoul qui, dans sa grange, s'apprête à passer une corde épaisse autour de son cou. Ni Soren, plongé dans le coma à la suite d'un accident de scooter. Ni Valentin, le chat que la rêveuse Mariette a nommé ainsi pour se porter chance en amour, dont la patte est prise dans un piège à renard. Ni aucun des autres habitants de ce village proche de la mer où tous se préparent pour le traditionnel concert de fin d'année. Les uns joueront ensemble malgré d'anciennes rivalités, les autres se salueront et s'assiéront côte à côte en dépit des non-dits qui les rongent. Et l'on devine que la soirée sera réussie, car tous feront de leur mieux pour suivre leur partition, hantés par le souvenir d'un drame face auquel les brouilles, les tromperies et les querelles ne sont que des broutilles. Un drame qui les unit malgré eux, car tous ont conscience qu'il aurait pu être évité s'ils avaient su veiller les uns sur les autres le jour où il s'est produit.

« C'était un hiver lumineux et sec où rien ne semblait vouloir mourir. » Traversé par cette antienne, L'oreille absolue a des airs de conte de Noël, de ceux destinés à rappeler aux petits et grands que leur raison d'être au monde tient en quatre syllabes : fraternité. Un mot qu'Agnès Desarthe débarrasse de sa solennité pour tisser une histoire entre ses lettres, une histoire que le lecteur a le sentiment de porter en lui depuis toujours, mais qu'il avait oubliée. En ce sens, nous avons tous l'oreille absolue, car nous reconnaissons les notes sans lesquelles la symphonie ne pourra être jouée, et nous savons les reproduire. Dans la galerie de personnages magistralement animés par l'écrivaine, il y a ceux qui sont tombés amoureux alors qu'ils n'étaient pas libres, celles dont l'amitié a volé en éclats à cause d'un homme, et les amants redevenus l'un pour l'autre de « parfaits étrangers ». Et puis il y a nous, lecteur, immédiatement concerné par ces vies toutes simples semblables à tant d'autres, témoin de ce récit tant intime qu'universel.

Agnès Desarthe
L'oreille absolue
Éditions de l'Olivier
Tirage: 25 000 ex.
Prix: 19,50 € ; 144 p.
ISBN: 9782823621662

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